Coup de frein brutal pour l’économie
Le produit intérieur brut suisse a reculé au troisième trimestre. Un brusque coup de frein qui met en évidence une forte exposition au marché extérieur, affecté par les tensions commerciales
CONJONCTURE L’économie suisse enregistre une contraction inattendue au 3e trimestre, avec un PIB en recul
Après une phase de croissance dynamique enregistrée depuis plus d’un an et demi, c’est un coup de frein abrupt. Au troisième trimestre, contre toute attente, le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 0,2% en termes réels par rapport aux trois mois précédents. Cette évolution a pris de court nombre d’économistes qui tablaient sur une progression du PIB entre 0,2 et 0,6%. L’industrie, les services et, du côté des dépenses, la demande intérieure et le commerce extérieur ont tous livré des «impulsions négatives», annonce jeudi le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco).
Comment expliquer ce soudain recul? Pour Thomas Gitzel, chef économiste de VP Bank, l’exception helvétique par rapport à ses voisins européens est désormais révolue. «La Suisse paie sa dépendance au commerce extérieur», analyse Sergio Rossi, professeur en macroéconomie et politique monétaire à l’Université de Fribourg. Ce n’est pas un hasard si elle se trouve aujourd’hui au parfait diapason avec l’Allemagne, son premier marché. Touchée par les taxes douanières instaurées par les Etats-Unis, la première économie européenne a également annoncé mi-novembre un ralentissement conjoncturel de -0,2% sur la même période. Alors qu’elle semblait épargnée par les tensions macroéconomiques jusqu’à présent, l’économie helvétique subit aujourd’hui de plein fouet les retombées collatérales de la guerre commerciale. Les exportations de marchandises, qui montraient déjà quelques signes d’essoufflement, ont chuté de 4,2%.
Reste un constat positif face à ce sombre tableau: la plupart des analystes écartent dans l’immédiat le scénario d’une récession.
«La Suisse paie sa dépendance au commerce extérieur»
SERGIO ROSSI, PROFESSEUR D’ÉCONOMIE À L’UNIVERSITÉ DE FRIBOURG
Bienvenue dans la réalité. L'époque de l'exception suisse est révolue. C'est avec ces mots que le chef économiste de VP Bank, Thomas Gitzel, accueille le brusque ralentissement de la croissance helvétique annoncé jeudi par la Confédération. Au troisième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 0,2%, donnant un coup de frein abrupt à la phase de croissance dynamique enregistrée depuis un an et demi, écrit le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) dans son communiqué.
«Nous anticipions un trimestre de croissance, plus faible certes, mais positif. Or nous nous retrouvons face à une contraction, ce n'est pas anodin», commente Samy Chaar, chef économiste chez Lombard Odier. Le consensus sondé par Bloomberg pronostiquait une hausse de 0,4% du PIB.
Au diapason de l’Allemagne
«La Suisse paie sa dépendance au commerce extérieur», analyse Sergio Rossi, professeur en macroéconomie et politique monétaire à l'Université de Fribourg. «C'est une petite économie très ouverte, qui n'échappe pas aux facteurs macroéconomiques», ajoute Samy Chaar. Ce n'est pas un hasard si elle se trouve aujourd'hui au diapason de l'Allemagne, son premier marché.
La première économie européenne a en effet annoncé mi-novembre un ralentissement conjoncturel pile poil du même ordre, à -0,2% sur la période, en raison d'une baisse des exportations, principalement dans l'automobile. La branche, qui pèse lourd dans l'économie allemande (13% de son PIB, près d'un cinquième de ses exportations totales et 14% des salariés du secteur industriel), fait les frais de la guerre commerciale lancée par Washington.
Ces tensions, qui semblaient jusqu'à présent épargner l'économie suisse, portée par les pharmas et le luxe, se traduisent aujourd'hui par un repli des exportations de marchandises de 4,2%. Celles-ci montraient depuis quelques mois déjà dessignes d'affaiblissement, avec un repli de 2,9% (à 54,2 milliards de francs) au troisième trimestre. Le premier en un an et demi, soulignait l'Administration fédérale des douanes (AFD) mi-octobre.
Cette exposition aux exportations affecte aussi le marché domestique, puisque faute de débouchés, les entreprises retardent certains achats. Les investissements dans la construction ont pratiquement stagné (+0,02%), signale le Seco, tandis que ceux dans les biens d'équipement ont régressé (-2,0%).
Par ailleurs, «pour demeurer compétitives à l'international, les entreprises consentent à des baisses de prix», relève Sergio Rossi. «Cela se traduit par une stagnation des salaires réels [mesurés en fonction du coût de la vie, ndlr] et à terme une baisse du pouvoir d'achat du consommateur, dont les dépenses restent le moteur de l'économie», poursuit-il.
Premier signe de cet essoufflement: la demande intérieure n'a que faiblement progressé, à 0,1%, selon les données du Seco. Cela s'est en outre traduit par un repli des importations de biens et services (-1,6%). Les analystes écartent toutefois le scénario d'une récession (soit un recul du PIB pendant deux trimestres consécutifs).
A long terme toutefois, la croissance pourrait souffrir d'un marché du travail qui reste problématique en Suisse, selon Sergio Rossi. Cela «en raison d'une précarisation des travailleurs liée au temps partiel et aux contrats à durée déterminée, ainsi qu'au nombre croissant de chômeurs en fin de droits qui ont cessé de chercher du travail», alerte Sergio Rossi. Des données qui n'apparaissent pas dans les statistiques du chômage.
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Les incertitudes générées par la guerre commerciale ont affecté les exportations de la Suisse vers ses principaux marchés.