La sèche réplique du Conseil fédéral à l’UE
Le gouvernement introduit un régime d’autorisation pour les bourses européennes où se négocient des titres suisses face à la menace de Bruxelles de ne plus reconduire l’équivalence boursière
Cette fois, la Suisse ne croit plus vraiment que l’UE reconduira l’équivalence boursière pour l’an prochain. Avant même la décision de Bruxelles, le Conseil fédéral a adopté une contre-mesure visant à protéger l’infrastructure boursière suisse. Par voie d’ordonnance, il introduit une nouvelle obligation de reconnaissance pour les plateformes de négociation étrangères à partir du 1er janvier 2019. Mais celle-ci ne déploiera ses effets dans la pratique que si cela s’avère nécessaire.
L’équivalence découle d’une règle européenne qui oblige les opérateurs des établissements financiers européens à acheter des actions uniquement sur des bourses de l’UE ou des bourses d’autres pays reconnues équivalentes. Si les bourses suisses perdent ce statut, les banques et instituts financiers européens ne pourront plus passer d’ordres en Suisse, ce qui réduira la liquidité des actions concernées.
Conséquences imprévisibles
Cela dit, la règle européenne ne concerne que les actions traitées de manière significative dans les pays membres de l’UE, soit au-dessus de 20% du volume global. Si le volume d’actions suisses descend en dessous de ce seuil, cette règle ne s’applique plus. C’est la raison pour laquelle Jan Langlo, directeur de l’Association de banques privées suisses, tient à calmer le jeu: «L’absence de l’équivalence boursière ne nous fait pas peur, mais elle est injuste, car l’autorité de surveillance européenne qu’est l’ESMA (European Securities and Markets Authority) a reconnu l’équivalence technique des règles suisses. Ce n’est donc qu’une mesure politique pour forcer la Suisse à parapher l’accord institutionnel avec l’UE.»
En juin dernier déjà, le ministre des Finances Ueli Maurer avait donc envisagé un plan B au cas où l’UE devait ne pas renouveler l’équivalence boursière pour 2019. Dans un communiqué, le Conseil fédéral espère toujours que le plan A restera valable. Il justifie l’annonce d’une contre-mesure par la nécessité d’informer les acteurs du marché boursier et de mettre fin au climat d’incertitude ambiant.
Un exercice assurément difficile. A l’heure actuelle, personne ne peut prédire quelle sera l’ampleur des conséquences d’une absence d’équivalence boursière. Les entreprises suisses cotées aussi bien ici qu’en Europe pourraient souffrir d’un manque de liquidité en Suisse, ce qui pourrait les inciter à ne plus être cotées dans notre pays. Les industriels les plus pessimistes craignent une perte d’attractivité de leurs actions si celles-ci étaient moins demandées.
Côté suisse, le groupe SIX, qui gère la bourse nationale, se réjouit de la mesure d’urgence du Conseil fédéral pour protéger l’infrastructure boursière. «La Suisse abrite certaines des entreprises les plus importantes et actives d’Europe. Leurs actions sont cotées et négociées sur SIX, qui est le marché le plus important, le plus liquide et le plus économique pour elles», fait remarquer Romeo Lacher, le président de son conseil d’administration. Côté européen, on se borne à prendre note de la contre-mesure du Conseil fédéral. «Nous réévaluerons la situation et discuterons des prochaines étapes possibles», dit-on à Bruxelles.
Le coup de grâce de Karin Keller-Sutter
Si le Conseil fédéral rend public son plan B, c’est qu’il se rend de plus en plus compte qu’il ne pourra pas parapher l’accord institutionnel que lui réclame l’UE pour régler les différends posés par les divers accords de la voie bilatérale. Ce vendredi 30 novembre, il s’est à nouveau penché sur la question, mais sans prendre de décision définitive, qu’il a reportée au 7 décembre prochain.
Un délai que n’a pas attendu la probable future conseillère fédérale Karin Keller-Sutter pour s’inviter dans le débat. Dans une interview accordée au Blick, elle a probablement asséné le coup de grâce à l’accord institutionnel. La conseillère aux Etats PLR s’y est totalement solidarisée avec son collègue Paul Rechsteiner (PS/SG) sur la question de la protection des salaires, qui font l’objet de mesures d’accompagnement à l’accord sur la libre circulation des personnes. «Il n’est pas question de déléguer la compétence de la protection des salaires suisses à Bruxelles. Dans sa version actuelle, l’accord institutionnel ne recueillerait jamais une majorité du peuple», estime-t-elle.
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