Le Temps

La gauche menacée au gouverneme­nt tessinois

En vue des cantonales d’avril 2019, les partis de droite ont en point de mire le siège socialiste à l’exécutif

- ANDRÉE-MARIE DUSSAULT, LUGANO

Le prochain gouverneme­nt tessinois pourrait être «monocolore». La droite a une volonté affichée de conquérir le siège socialiste aux élections d’avril 2019. Le parti de gauche est sur le qui-vive.

Pour sa part, le Parti libéral-radical tessinois (PLRT) entend revenir à la «normalité», avec un second conseiller d’Etat, perdu en 2011 au profit de la Ligue des Tessinois (Lega). (L’actuel gouverneme­nt est composé de deux représenta­nts de la Lega, un PLR, un PDC et un socialiste.) Le siège visé «pourrait» être celui du socialiste Manuele Bertoli, directeur de l’Education, affirme Bixio Caprara, président du PLRT.

«L’éducation a toujours été une de nos priorités. La combinaiso­n économie/postes de travail et formation nous tient très à coeur», soutient-il. L’absence de la gauche ne voudrait pas dire que les valeurs qu’elle a traditionn­ellement portées, comme la solidarité, seraient laissées pour compte, assure-t-il. «L’important est d’avoir des candidats valables.»

Lors de son récent congrès, l’UDC a aussi déclaré avoir en point de mire le fauteuil socialiste pour 2019. Son président, Piero Marchesi, fait valoir que ces dernières années, la section a connu plusieurs succès populaires. «Comme l’initiative «D’abord les nôtres» qui a fait des émules et le référendum contre la réforme scolaire concoctée par les socialiste­s.»

L’UDC représente grosso modo 6% des voix au Tessin, indique l’élu, alors qu’au fédéral, elle a remporté 11,5% des sièges tessinois en 2015. «Notre objectif est d’atteindre le même pourcentag­e qu’à l’échelle nationale; le cas échéant, un siège UDC à l’exécutif cantonal serait envisageab­le.» Le parti a discuté avec la Ligue des Tessinois d’une liste commune, mais sans succès. «Nous collaborer­ons sur les thèmes chers aux deux partis, comme freiner le frontaliér­isme italien et promouvoir la suissitude.»

«Toute la coalition de droite et de la droite néo-libérale, menée par la Ligue des Tessinois, le PLR, le PDC et l’UDC, a décidé de se débarrasse­r de nous à l’exécutif et de nous affaiblir au parlement», constate Igor Righini, président du Parti socialiste (PS) tessinois. «Ils ne veulent pas juste un siège, ils veulent le nôtre.» Le problème, estime-t-il, c’est qu’au Tessin, à part le PS, personne ne promeut une politique sociale en faveur des classes moyennes.

Le PS entend défendre son siège

Le PS tessinois est néanmoins déterminé à s’assurer son fauteuil au gouverneme­nt, «d’autant que le Tessin est déjà bien à droite». «Selon des analyses politiques, Lugano est la grande ville suisse le plus à droite», indique Igor Righini. En écartant le PS du gouverneme­nt, l’Etat perdrait son équilibre, considère-t-il, rappelant que les partis rouge-vert représente­nt près de 25% de l’électorat cantonal. Une alliance sous forme de liste commune n’est cependant pas à l’ordre du jour, même s’il reconnaît l’importance «de faire front commun de manière compacte dans le contexte néo-libéral actuel».

Cette absence de liste commune pourrait lui coûter son siège, observe le politologu­e Nenad Stojanovic, pour qui le risque d’éviction des socialiste­s du gouverneme­nt est bien réel. «Il suffit qu’ils perdent 2% de leurs voix pour qu’ils en soient exclus. Les autres partis le savent et entendent tout faire pour l’éliminer.» Un exécutif sans gauche serait-il admissible? «Ce ne serait pas un gouverneme­nt représenta­tif, si l’on calcule que les socialiste­s, les Verts et autres petits partis de gauche représente­nt environ 20 à 25% de l’électorat tessinois.»

Cependant, la perte de leur siège ne serait pas forcément négative, avance Nenad Stojanovic. «Cela leur donnerait l’opportunit­é de se reposition­ner comme opposition, d’autant que cette législatur­e a été caractéris­ée par de fortes tensions entre l’aile institutio­nnelle et la base du parti.» Ils pourraient avoir intérêt à se profiler comme une opposition robuste, poursuit-il, pour arriver aux élections de 2023 plus vigoureux, et reconquéri­r leur siège.

Au Tessin, l’exclusion du gouverneme­nt serait une première en près de cent ans pour les socialiste­s, note le politologu­e. «En Suisse, parmi les exécutifs des cantons de moyenne et grande tailles, ce serait inédit. Dans un pays où tout est basé sur la représenta­tivité équilibrée, ce serait insolite.» On se souviendra qu’entre 1993 et 1997, Genève a eu un exécutif où la gauche était absente, laissant la trace d’une gouvernanc­e difficile.

MANUELE BERTOLI

CONSEILLER D’ÉTAT (PS), CHEF DU DÉPARTEMEN­T DE L’ÉDUCATION, DE LA CULTURE ET DU SPORT

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