Le Temps

De la fin des blockchain­s et de l’open source?

- OLIVIER DEPIERRE AVOCAT SPÉCIALISÉ DANS LA BLOCKCHAIN

Il y a deux semaines, cette chronique traitait de la tokenisati­on de l’identité d’une personne physique. Or mon colistier d’alors le sait tout aussi bien que moi: on peut (presque) tout tokeniser. Intéresson­s-nous dès lors aujourd’hui à savoir sur quelle plateforme et avec quelle technologi­e.

Les évolutions de la technologi­e blockchain sont nombreuses et variées et sont peu ou prou toujours confrontée­s aux mêmes enjeux: la vitesse, l’efficience énergétiqu­e, les coûts et la gouvernanc­e. Or, au sein de l’ouvrage sans cesse remis sur le métier, une nouvelle technologi­e intéressan­te, basée sur la théorie des graphes, arrive dans la cryptosphè­re. Hashgraph vise à être au moins 20000 fois plus rapide que le bitcoin et ne propose plus de système de consensus par preuve de travail mais par simple preuve de présence.

Présentée à Genève par le responsabl­e produit du groupe Hedera, Patrick Harding, dans le cadre d’une conférence organisée par Swisscom Blockchain, la technologi­e Hashgraph a ce je-nesais-quoi de hype et révolution­naire qui donne envie de taper sur son clavier. Les participan­ts au réseau ont été acceptés au préalable, à l’instar d’une blockchain privée. Ces «noeuds» peuvent y voir toutes les transactio­ns en temps réel et les valider ainsi rapidement, dans leur ordre d’arrivée (contrairem­ent à une blockchain avec des mineurs), de sorte qu’il n’est plus nécessaire de les conserver pour l’éternité dans un registre.

Le système est donc très efficient puisque l’on pourrait théoriquem­ent se contenter de suivre les transactio­ns depuis son téléphone portable et de les sauvegarde­r en cas d’intérêt seulement. Sans vraiment être une blockchain, Hashgraph permet néanmoins de déployer des smart contracts (ces algorithme­s avec exécution automatiqu­e de tâches). En outre, en attaquant l’un des participan­ts vérificate­urs des transactio­ns, personne ne peut remettre en cause l’intégrité de ces dernières (en particulie­r du fait que celles-ci ne restent pas longtemps en ligne).

Mais la vraie révolution ici est autre. Chez Hedera Hashgraph, personne ne peut améliorer le protocole sans en payer un lourd tribut. En effet, le code source a été patenté aux Etats-Unis de sorte que quiconque – pour l’art ou pour faire parler de lui – proposerai­t des améliorati­ons pratiques au protocole de base (comme un «fork» dans le monde de la blockchain) pourrait se voir poursuivi en justice sur sol américain pour violation de brevet. Fin de l’open source donc comme d’une certaine vision du bien commun. Ou comment brûler les ailes des rêveurs Satoshi Nakamoto (Bitcoin) et Vitalik Buterin (Ethereum), ceux-là mêmes qui voulaient rendre au peuple ce qui appartient au peuple, à savoir le contrôle complet et inviolable de la création monétaire et de la propriété privée.

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