Que peut-on attendre de la COP24?
Les négociations climatiques internationales reprennent le 2 décembre à Katowice en Pologne. Elles devront établir les règles d’application de l’Accord de Paris. Mais un manque d’ambition global des Etats participants est à craindre
Les négociateurs qui se retrouveront dès dimanche et jusqu’au 14 décembre à Katowice en Pologne pour la conférence climatique COP24 ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas. Ces derniers mois, les signaux d’alarme se sont multipliés sur le climat. L’année 2018 est bien partie pour être la quatrième plus chaude jamais enregistrée, a alerté jeudi l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Cet été, canicules, sécheresses et incendies de forêt ont durement frappé l’Europe et l’Amérique du Nord, tandis qu’en Arctique l’étendue de la banquise est restée largement en dessous de sa moyenne historique tout au long de l’année.
«On peut espérer que les preuves scientifiques vont peser sur les négociations, veut croire Géraldine Pflieger, directrice de l’Institut des sciences de l’environnement de l’Université de Genève. Le dernier rapport du GIEC offre un degré inédit d’explicitation de la menace liée au réchauffement et des solutions qui doivent être mises en place.» Paru le 8 octobre dernier, ce document souligne la pertinence de maintenir le réchauffement de la planète à 1,5°C d’ici à la fin du siècle, par rapport au niveau préindustriel. Il indique aussi que pour y parvenir, il faudrait atteindre la neutralité carbone (soit un niveau équivalent entre nos émissions de CO2 et leur absorption par des phénomènes naturels ou artificiels) en 2050. Contexte géopolitique peu favorable
Or le monde ne semble pas encore engagé dans une telle trajectoire. «Les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) ont augmenté en 2017 après avoir été stables pendant les trois précédentes années, d’après un récent rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement, rappelle Jens Mattias Clausen de Greenpeace. Les Etats doivent revoir leurs promesses à la hausse pour respecter l’objectif inscrit dans l’Accord de Paris, qui est de ne pas dépasser 2°C de réchauffement, si possible 1,5°C.» Les engagements nationaux actuels mènent vers un réchauffement global de +3°C à la fin du siècle.
Les observateurs doutent toutefois que cette COP amène des annonces fortes de la part des Etats. L’Accord de Paris prévoit bien un système pour encourager les pays à réviser régulièrement leurs engagements, mais la prochaine échéance est fixée à 2020, année d’entrée en vigueur du texte. Le contexte géopolitique global ne paraît pas non plus des plus favorables. Le retrait américain de l’Accord de Paris l’année passée continue de peser sur la dynamique climatique et le nouveau président brésilien, Jair Bolsonaro, a laissé entendre qu’il pourrait lui aussi sortir de l’accord, alors que son pays vient de renoncer à accueillir la COP25. «D’après une évaluation que j’ai réalisée avec un collègue, les pays ayant des politiques très en retrait sur le climat correspondent à 25% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. C’est certes minoritaire, mais cela peut tout de même constituer une force de blocage», relève Géraldine Pflieger.
La Suisse critiquée pour son manque d’ambition
Se dirige-t-on vers une «COP pour rien»? La conférence devrait en tout cas – c’est d’ailleurs son objectif principal – clarifier les règles d’application de l’Accord de Paris, soit la manière dont les Etats rendront compte de leurs actions. «Ces règles sont importantes car ce sont elles qui permettront d’évaluer les efforts des Etats et de les comparer entre eux», souligne Manuel Graf du WWF, qui est membre de la délégation suisse officielle en qualité de représentant des organisations de défense de l’environnement. Des questions cruciales, ayant le potentiel d’envenimer les débats, restent cependant en suspens, comme celle du degré de flexibilité qui sera accordé aux pays les plus pauvres et au soutien financier qu’ils recevront des nations développées.
Le président de la Confédération Alain Berset sera présent à Katowice lundi 3 décembre aux côtés d’autres chefs d’Etat et de gouvernement. La délégation suisse prévoit de s’engager en faveur de directives à la fois robustes et détaillées garantissant une application efficace de l’Accord de Paris. Mais les organisations de protection de l’environnement helvétique déplorent le manque d’ambition de la Suisse. Elles estiment que le projet de révision de la loi sur le CO2, qui sera prochainement débattu par le Conseil national, ne permettra pas d’honorer les engagements internationaux pris dans le cadre de l’Accord de Paris.
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Les engagements nationaux actuels mènent vers un réchauffement global de +3°C à la fin du siècle