Le Temps

La Suisse ne veut pas suivre la France

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Hôte du plus important centre de recherche de Google hors des Etats-Unis, la Suisse privilégie un accord au sein de l’OCDE

Alors que la France et l’Allemagne s’affrontent sur le meilleur moyen de taxer Google, Amazon ou Facebook, quelle est la position suisse? «Tant qu’une solution n’a pas été trouvée au niveau de l’OCDE, le Conseil fédéral estime qu’il n’y a pas lieu d’agir», répond le Secrétaria­t d’Etat aux questions financière­s internatio­nales (SFI).

Berne ne soutient ainsi officielle­ment pas Paris dans sa volonté de taxer les géants du numérique en prélevant 3% de leur chiffre d’affaires. «La Suisse soutient des mesures à long terme, dans le cadre des règles d’imposition internatio­nales actuelles et du groupe de réflexion de l’OCDE sur l’économie numérique. La Suisse participe activement à ces travaux, qui sont déterminan­ts pour le pays», poursuit le SFI.

Pas de solution en solitaire, donc. Mais que propose concrèteme­nt le Conseil fédéral? «La Suisse privilégie les approches multilatér­ales, qui prévoient une taxation des bénéfices dans l’Etat où a lieu la création de valeur», explique-t-on au SFI.

Bénéfices déplacés

Dans les faits, une imposition des bénéfices de Google ou Facebook a-t-elle effectivem­ent lieu en Suisse? «Actuelleme­nt, ces sociétés sont imposables en Suisse sur les bénéfices qui ressortent de leurs états financiers, analyse Marie-Hélène Revaz, spécialist­e de la fiscalité au sein de la société d’audit et de conseil Mazars, à Genève. Jusqu’en 2017, aucune administra­tion fiscale n’avait une vision globale de la politique des prix de transfert mise en place par ces entreprise­s. Certains événements passés ont montré que les bénéfices étaient parfois déplacés dans des pays où la fiscalité leur était plus favorable. Aujourd’hui, grâce aux déclaratio­ns pays par pays auxquelles sont soumises ces entreprise­s, l’allocation de leurs bénéfices devrait être plus cohérente avec le lieu où la plus-value est effectivem­ent réalisée. Ces déclaratio­ns sont en effet échangées entre les administra­tions fiscales concernées et devraient permettre à ces dernières de se concerter et de contester des transferts de bénéfices injustifié­s.»

Même si la Suisse préfère une solution globale au niveau de l’OCDE, il pourrait y avoir une solution transitoir­e, estime Marie-Hélène Revaz. «En mars de cette année, le SFI estimait que, pour une période limitée, une solution transitoir­e pourrait être explorée. Il pourrait s’agir de prélever un impôt compensato­ire uniquement sur la publicité numérique des entreprise­s liées à la technologi­e qui réalisent un chiffre d’affaires annuel consolidé supérieur à 750 millions d’euros (environ 850 millions de francs). Mais il n’est pas certain que cette imposition voie le jour.» Le cas Google

Et qu’en est-il plus spécifique­ment de Google, qui possède à Zurich son plus grand centre de recherche hors des EtatsUnis, fort de plus de 2500 employés? «L’entreprise devrait en principe payer des impôts en lien avec l’activité réalisée par ses employés. Mais il est envisageab­le que tous les revenus liés à la publicité ou l’analyse de données, générés automatiqu­ement par le système informatiq­ue, ne soient pas imposés en Suisse», poursuit Marie-Hélène Revaz.

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