A Tijuana, le chaos et la peur
Le camp de réfugiés accolé au «mur», où s’entassaient 6000 migrants de la caravane partie du Honduras, a dû être évacué et déplacé à 10 kilomètres de la frontière. En raison de pluies diluviennes qui ont transformé l’endroit en un gigantesque cloaque. Un déménagement effectué dans un chaos général alimenté par toutes sortes de rumeurs qui accentuent les craintes des migrants déjà extrêmement fragilisés. Reportage.
Le camp de réfugiés accolé au mur a été évacué et déplacé à 10 kilomètres de la frontière. Fausses accusations, rumeurs et incertitudes compliquent le sort des migrants déjà fragilisés
Un homme s’égosille au milieu d’un attroupement. Il porte un pull avec les mots «Derechos humanos» en grosses lettres noires. «Il faut dénoncer ces violations des droits de l’homme!» hurle-t-il, en rameutant les médias. «Des femmes et des enfants, à l’intérieur, sont en danger! Un avion a lâché des bombes lacrymogènes sur les migrants!» Très vite, des hommes de la municipalité interrompent l’activiste et l’accusent de mensonges. «Prouvez-le! Venez nous montrer ce que vous dites!» Des migrants passent, interloqués.
Cette scène s’est déroulée vendredi à Tijuana, devant le complexe sportif Benito Juarez, où étaient entassés 6000 migrants de la caravane partie le 13 octobre du Honduras. Dans un certain chaos. Le camp était en train d’être évacué, après une journée de pluies diluviennes qui l’ont transformé en pataugeoire géante. De vieux bus, des policiers anti-émeutes engoncés dans leur gilet pare-balles, et des migrants qui sortent par grappes du centre, matelas sur la tête et balluchon sur le dos: la rue bloquée à la circulation qui mène au centre est animée. «On nous déplace vers un nouveau refuge, à 25 minutes d’ici», glisse un jeune homme. Les hélicoptères patrouillent le ciel à intervalles plus réguliers que les jours précédents. A 10 kilomètres du «mur»
Il y a bien eu une petite odeur de fumée qui émanait du camp. Mais pas de gaz lacrymogène. «Ils ont brûlé des poubelles de l’autre côté», raconte une Hondurienne. «Oui, et puis des gens ont fait de la fumigation anti-épidémies», explique un migrant, en mimant le geste. «Il ne s’est rien passé», confirme Mario Osuna Jimenez, secrétaire au développement social de la municipalité de Tijuana. «Des leaders de la caravane essaient visiblement de provoquer des tensions», relève-t-il, un brin agacé. Un policier acquiesce: «Ils créent de la nervosité et espèrent probablement dissuader les migrants de partir.» La confusion est totale: plusieurs femmes, soutenues par l’ONG Pueblo sin Fronteras, ont entamé une grève de la faim, précisément pour protester contre les conditions d’hébergement dans le complexe sportif et exiger une meilleure prise en charge.
Les migrants sont déplacés «car les Tijuaniens veulent de nouveau pouvoir