«Je ne suis pas un bulldozer»
Pierre-Yves Maillard a été élu à la tête de l’Union syndicale suiposant face à sa rivale Barbara Gysi. Il promet de défendre fermement la protection des salaires suisses ossier de l’accord institutionnel avec l’UE
Le conseiller d’Etat vaudois Pierre-Yves Maillard a été élu à la présidence de l’Union syndicale suisse (USS). Son objectif: renforcer le pouvoir d’achat des travailleurs. Il n’a pas caché qu’il resterait ferme sur le dossier de l’accord institutionnel que le Conseil fédéral tente de conclure avec l’UE. Pas question de faire des concessions sur les mesures d’accompagnement qui protègent le niveau des salaires suisses. «Ceux qui veulent faire l’intégration européenne au détriment des salaires font le jeu de l’extrême droite et préparent la dégradation du projet européen.»
Pierre-Yves Maillard répond à la presse après son élection à la tête de l’USS. Sur la question de l’égalité des rémunérations entre ho
tElu par 115 voix contre 82 à Barbara Gysi, Pierre-Yves Maillard est le nouveau président de l’Union syndicale suisse (USS). Au Kursaal de Berne, le conseiller d’Etat vaudois s’est imposé grâce à sa plus grande expérience dans la réalisation de projets concrets. Mais il a tenu à s’adresser aux femmes à l’issue du vote. «Il est temps de passer de l’égalité formelle à l’égalité réelle et matérielle. J’ai pris la mesure de vos attentes. Votre liberté, c’est aussi la nôtre», a-t-il souligné. Barbara Gysi pour une 13e rente AVS
Maillard contre Gysi: cette élection risquait de tourner au duel de l’homme contre la femme. Sur les tables des 220 délégués, la Commission des femmes de l’USS avait lancé un appel à donner «un signal clair pour que la Suisse fasse un bond en avant en matière d’égalité des sexes». Dans l’ensemble pourtant, le duel est resté très correct. Jamais les deux candidats ne se sont livrés à des attaques personnelles. Un seul intervenant, parmi les supporters de Barbara Gysi, est tombé dans ce piège. Mais à force de reprocher à Pierre-Yves Maillard son «machisme et un taux de testostérone trop élevé», il a fini par se faire siffler.
, il propose un contrôle des salaires par l’Etat.
Les deux papables à la présidence ont d’abord eu sept minutes pour se présenter avant de répondre à des questions durant dix minutes. Ils en ont profité pour fixer les priorités de leur programme, qui sur le plan du contenu ne diffère guère. En revanche, les délégués ont pu choisir entre deux personnalités et profils très éloignés l’un de l’autre. D’un côté, le tribun charismatique avec une grande expérience d’exécutif. De l’autre, une syndicaliste plus discrète, mais non moins travailleuse, active au Conseil national et vice-présidente du Parti socialiste suisse.
Lors de sa présentation, Barbara Gysi a mis l’accent sur la nécessité de redistribuer des bénéfices de la globalisation, sur l’amélioration de la sécurité sociale et celle des conditions-cadres des travailleuses. Elle a insisté sur deux nouvelles revendications, soit la semaine hebdomadaire de 35 heures et l’introduction d’une 13e rente AVS. Soutenue par les petits syndicats au sein de l’USS, la présidente de l’Association du personnel de la Confédération a promis d’être une personnalité intégratrice de tous les courants minoritaires.
«Je ne suis pas un bulldozer»
S’exprimant uniquement en allemand dans un premier temps, Pierre-Yves Maillard a défendu son «agenda positif» pour l’USS afin de renforcer le pouvoir d’achat des travailleurs. Il a rappelé les principales étapes de sa carrière, de l’enseignant au syndicaliste finalement élu au Conseil d’Etat vaudois, où il a eu l’occasion de mener à bien de nombreux projets concrets: l’augmentation de 170 à 300 francs par mois des allocations familiales, le plafonnement de la prime d’assurance maladie à 10% du revenu net et une rente pont pour les chômeurs âgés pour près de 100 millions par an. Il a tenté de rassurer les partisans de sa rivale craignant son style dirigiste. «Je ne suis ni un homme fort ni un bulldozer.»
A l’heure des questions, on a beaucoup parlé de la prochaine grève des femmes du 14 juin 2019 que l’USS prépare déjà fiévreusement tant elle est en colère à propos du projet d’égalité des salaires «horriblement minimaliste» mis sous toit par les Chambres fédérales. C’était l’occasion pour Barbara Gysi de marquer des points, mais c’est plutôt PierreYves Maillard qui a convaincu par son idée de faire contrôler les salaires par l’Etat. «On ne peut plus imposer le fardeau de la preuve à la victime. Il faut un contrôle public des salaires.»
Au vote, le favori a gagné, au grand dam d’Ursula Mattmann Alberto, la plus fervente supportrice de Barbara Gysi au point d’être ovationnée en faisant son éloge. «Je suis déçue, car c’était l’occasion unique de montrer l’exemple en nommant une femme», confie cette postière âgée de 71 ans. «J’espère maintenant que Pierre-Yves Maillard tiendra ses promesses.»
«Savoir distinguer le dogme de la réalité»
A l’heure de commenter son élection, le conseiller d’Etat vaudois était déjà dans le combat qu’exigera sa nouvelle fonction. Il n’a pas caché qu’il maintiendrait le cap de la fermeté dans le dossier de l’accord institutionnel que le Conseil fédéral tente de conclure avec l’UE. Pas question de faire des concessions sur les mesures d’accompagnement qui protègent le niveau des salaires suisses. «Tous ceux qui veulent faire l’intégration européenne au détriment des salaires et du pouvoir d’achat font le jeu de l’extrême droite et préparent la dégradation du projet européen.»
Et le patronat, craint-il une USS plus combative et descendant plus souvent dans la rue? «J’attends d’un syndicat qu’il travaille dans l’intérêt de la collectivité dans son ensemble, en sachant distinguer le dogme de la réalité», a réagi le directeur général de la Fédération des entreprises romandes, Blaise Matthey. «Je ne suis pas inquiet. Pierre-Yves Maillard a toujours dit respecter les employeurs qui tiennent leurs engagements, notamment les conventions collectives de travail.»
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