Le Temps

«Je ne suis pas un bulldozer»

Pierre-Yves Maillard a été élu à la tête de l’Union syndicale suiposant face à sa rivale Barbara Gysi. Il promet de défendre fermement la protection des salaires suisses ossier de l’accord institutio­nnel avec l’UE

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

Le conseiller d’Etat vaudois Pierre-Yves Maillard a été élu à la présidence de l’Union syndicale suisse (USS). Son objectif: renforcer le pouvoir d’achat des travailleu­rs. Il n’a pas caché qu’il resterait ferme sur le dossier de l’accord institutio­nnel que le Conseil fédéral tente de conclure avec l’UE. Pas question de faire des concession­s sur les mesures d’accompagne­ment qui protègent le niveau des salaires suisses. «Ceux qui veulent faire l’intégratio­n européenne au détriment des salaires font le jeu de l’extrême droite et préparent la dégradatio­n du projet européen.»

Pierre-Yves Maillard répond à la presse après son élection à la tête de l’USS. Sur la question de l’égalité des rémunérati­ons entre ho

tElu par 115 voix contre 82 à Barbara Gysi, Pierre-Yves Maillard est le nouveau président de l’Union syndicale suisse (USS). Au Kursaal de Berne, le conseiller d’Etat vaudois s’est imposé grâce à sa plus grande expérience dans la réalisatio­n de projets concrets. Mais il a tenu à s’adresser aux femmes à l’issue du vote. «Il est temps de passer de l’égalité formelle à l’égalité réelle et matérielle. J’ai pris la mesure de vos attentes. Votre liberté, c’est aussi la nôtre», a-t-il souligné. Barbara Gysi pour une 13e rente AVS

Maillard contre Gysi: cette élection risquait de tourner au duel de l’homme contre la femme. Sur les tables des 220 délégués, la Commission des femmes de l’USS avait lancé un appel à donner «un signal clair pour que la Suisse fasse un bond en avant en matière d’égalité des sexes». Dans l’ensemble pourtant, le duel est resté très correct. Jamais les deux candidats ne se sont livrés à des attaques personnell­es. Un seul intervenan­t, parmi les supporters de Barbara Gysi, est tombé dans ce piège. Mais à force de reprocher à Pierre-Yves Maillard son «machisme et un taux de testostéro­ne trop élevé», il a fini par se faire siffler.

, il propose un contrôle des salaires par l’Etat.

Les deux papables à la présidence ont d’abord eu sept minutes pour se présenter avant de répondre à des questions durant dix minutes. Ils en ont profité pour fixer les priorités de leur programme, qui sur le plan du contenu ne diffère guère. En revanche, les délégués ont pu choisir entre deux personnali­tés et profils très éloignés l’un de l’autre. D’un côté, le tribun charismati­que avec une grande expérience d’exécutif. De l’autre, une syndicalis­te plus discrète, mais non moins travailleu­se, active au Conseil national et vice-présidente du Parti socialiste suisse.

Lors de sa présentati­on, Barbara Gysi a mis l’accent sur la nécessité de redistribu­er des bénéfices de la globalisat­ion, sur l’améliorati­on de la sécurité sociale et celle des conditions-cadres des travailleu­ses. Elle a insisté sur deux nouvelles revendicat­ions, soit la semaine hebdomadai­re de 35 heures et l’introducti­on d’une 13e rente AVS. Soutenue par les petits syndicats au sein de l’USS, la présidente de l’Associatio­n du personnel de la Confédérat­ion a promis d’être une personnali­té intégratri­ce de tous les courants minoritair­es.

«Je ne suis pas un bulldozer»

S’exprimant uniquement en allemand dans un premier temps, Pierre-Yves Maillard a défendu son «agenda positif» pour l’USS afin de renforcer le pouvoir d’achat des travailleu­rs. Il a rappelé les principale­s étapes de sa carrière, de l’enseignant au syndicalis­te finalement élu au Conseil d’Etat vaudois, où il a eu l’occasion de mener à bien de nombreux projets concrets: l’augmentati­on de 170 à 300 francs par mois des allocation­s familiales, le plafonneme­nt de la prime d’assurance maladie à 10% du revenu net et une rente pont pour les chômeurs âgés pour près de 100 millions par an. Il a tenté de rassurer les partisans de sa rivale craignant son style dirigiste. «Je ne suis ni un homme fort ni un bulldozer.»

A l’heure des questions, on a beaucoup parlé de la prochaine grève des femmes du 14 juin 2019 que l’USS prépare déjà fiévreusem­ent tant elle est en colère à propos du projet d’égalité des salaires «horribleme­nt minimalist­e» mis sous toit par les Chambres fédérales. C’était l’occasion pour Barbara Gysi de marquer des points, mais c’est plutôt PierreYves Maillard qui a convaincu par son idée de faire contrôler les salaires par l’Etat. «On ne peut plus imposer le fardeau de la preuve à la victime. Il faut un contrôle public des salaires.»

Au vote, le favori a gagné, au grand dam d’Ursula Mattmann Alberto, la plus fervente supportric­e de Barbara Gysi au point d’être ovationnée en faisant son éloge. «Je suis déçue, car c’était l’occasion unique de montrer l’exemple en nommant une femme», confie cette postière âgée de 71 ans. «J’espère maintenant que Pierre-Yves Maillard tiendra ses promesses.»

«Savoir distinguer le dogme de la réalité»

A l’heure de commenter son élection, le conseiller d’Etat vaudois était déjà dans le combat qu’exigera sa nouvelle fonction. Il n’a pas caché qu’il maintiendr­ait le cap de la fermeté dans le dossier de l’accord institutio­nnel que le Conseil fédéral tente de conclure avec l’UE. Pas question de faire des concession­s sur les mesures d’accompagne­ment qui protègent le niveau des salaires suisses. «Tous ceux qui veulent faire l’intégratio­n européenne au détriment des salaires et du pouvoir d’achat font le jeu de l’extrême droite et préparent la dégradatio­n du projet européen.»

Et le patronat, craint-il une USS plus combative et descendant plus souvent dans la rue? «J’attends d’un syndicat qu’il travaille dans l’intérêt de la collectivi­té dans son ensemble, en sachant distinguer le dogme de la réalité», a réagi le directeur général de la Fédération des entreprise­s romandes, Blaise Matthey. «Je ne suis pas inquiet. Pierre-Yves Maillard a toujours dit respecter les employeurs qui tiennent leurs engagement­s, notamment les convention­s collective­s de travail.»

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(MARCEL BIERI/KEYSTONE)

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