Le Temps

Appel de la COP24

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, TIJUANA @VdeGraffen­ried

utiliser leur centre sportif», précise Mario Osuna Jimenez. Et pour éviter la propagatio­n de maladies en raison des pluies. Leur nouveau refuge, El Barretal, un centre récréatif, est composé de cinq structures en béton, couvertes. 15000 m2, avec cuisine et sanitaires, et de la place pour 7000 personnes. Il ne donne plus sur le «mur»: les migrants sont relogés à plus de 10 kilomètres de la frontière. Dans un quartier malfamé de cette ville à la triste réputation question sécurité. Les policiers y seront plus présents.

«Ils ont tué mon oncle»

Hector sèche sa tente, désormais dans la rue. «Il a fallu sortir en pleine nuit à cause des inondation­s.» Les aguas negras, dit-il, en montrant les eaux usées le long du trottoir. Quand il pleut à Tijuana, les rues se transforme­nt en rivières et les égouts débordent. Il ne sait pas s’il partira dans le nouveau refuge. «Mes parents décideront», répond-il timidement. Il a 19 ans, d’immenses yeux verts et vient du Honduras. «On ne pouvait plus y rester à cause des gangs. Ils ont tué mon oncle.» Les bandes criminelle­s de ce pays considéré comme le plus violent du monde font du racket l’une de leurs activités favorites. Et ceux qui ne paient pas l'impuesto de guerra finissent généraleme­nt très mal.

A l’intérieur du complexe sportif, tout n’est que scènes de désolation: flaques, boue, piles d’habits détrempés et insalubrit­é. On imagine mal comment les 6000 personnes entassées ici auraient pu affronter de nouvelles pluies torrentiel­les. Des peluches gisent dans le limon. Des familles sont encore là et refusent de partir. Mais les autorités ont trouvé une tactique pour déloger les récalcitra­nts: leur couper les vivres. Plus de nourriture, plus de toilettes. Juan tient son bébé emmailloté dans les bras. Il a 29 ans et vient du Salvador. «Nous serons les derniers à partir. Je ne veux plus me déplacer. J’ai peur. Je ne sais pas où ils nous emmènent», explique-t-il. Il n’a pas confiance. Son bébé dort paisibleme­nt. Il est né le 2 novembre.

Un beau-frère dans un gang

Quand on lui demande pourquoi il a fui son pays, il hésite à répondre. Puis, il lâche: «Le frère de ma femme fait partie d’un gang. Il est maintenant en prison. Cela devenait trop dangereux. On allait être tués.» Il a son «numéro», dit-il. En clair: il a déposé une demande d’asile aux Etats-Unis pour lui et sa famille et attend que leur dossier soit traité. Cela pourrait prendre du temps. Les Américains procèdent au compte-goutte. Les Mexicains accordent en revanche des permis de travail et plusieurs migrants de la caravane, qui ne visaient pas forcément les Etats-Unis, ont déjà trouvé des petits jobs.

D’autres, dépités et découragés par les mesures prises à la frontière côté américain, ont quitté Tijuana, souvent avec l’aide de l’Organisati­on internatio­nale pour les migrations. Des hommes seuls surtout. Barbelés et forces militaires supplément­aires, la barrière qui sépare Tijuana de la ville californie­nne de San Diego s’épaissit. Une trentaine d’enfants non accompagné­s ont également été rapatriés, par avion.

Juan, lui, ne compte pas bouger de Tijuana. Il attendra patiemment une réponse à sa demande d’asile. Cette caravane lui a valu trop de sacrifices pour tout laisser tomber. La fillette dans ses bras n’est pas son unique enfant. Il en a deux autres, de 9 et 7 ans. Ils sont restés au Salvador. Il ne sait pas s’il les reverra un jour.

Les migrants quittent le complexe sportif Benito Juarez après les pluies diluvienne­s qui l’ont transformé en cloaque.

La 24e Conférence des Nations unies sur le climat (COP24) s’est ouverte dimanche à Katowice, en Pologne. L’ONU a exhorté les 200 pays réunis pour tenter de mettre en orbite l’Accord de Paris à «faire beaucoup plus» pour limiter les impacts du dérèglemen­t climatique. Désastres météo, incidence sur la santé ou les rendements agricoles… «Les impacts du changement climatique n’ont jamais été aussi graves», a martelé la responsabl­e climat de l’ONU, Patricia Espinosa.

 ?? (JOEBETH TERRIQUEZ/EPA) ??
(JOEBETH TERRIQUEZ/EPA)

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland