Le Temps

Certains «family offices» devront obtenir une autorisati­on d’exercer

- SHELBY DU PASQUIER AVOCAT, LENZ & STAEHELIN

On a pu constater ces dernières années une proliférat­ion en Suisse de sociétés utilisant l’appellatio­n de family office. Cette désignatio­n couvre toutefois des réalités qui peuvent être très différente­s. A la base, un family office (en français: bureau familial) est une structure juridique mise en place et contrôlée par une famille fortunée afin de gérer son patrimoine financier qu’elle contrôle au travers d’une série d’entités dédiées (trusts, fondations, sociétés, etc.). L’objectif poursuivi est d’assurer la préservati­on de ce patrimoine familial et sa transmissi­on intergénér­ationnelle. L’institutio­n du family office remonte au XIXe siècle et trouve sa source aux Etats-Unis lorsque les grandes fortunes qui se sont créées en marge de l’industrial­isation du pays ont profession­nalisé la gestion de leurs patrimoine­s. Certains de ces family offices, tel celui de la famille Rockefelle­r, existent toujours, plus d’un siècle plus tard.

Avec le temps, le champ d’activité des family offices s’est développé et inclut une vaste gamme de services, la principale étant la gestion et le contrôle du patrimoine financier et immobilier de la famille, avec la mise en place d’un système d’informatio­n souvent sophistiqu­é permettant d’avoir une vue consolidée et en temps réel du patrimoine familial. Les family offices assurent généraleme­nt l’administra­tion des structures familiales, ainsi que le suivi des besoins courants – financiers, domestique­s et autres – des membres de la famille.

L’accompagne­ment dans le domaine philanthro­pique et la gestion des collection­s d’art de la famille sont également des tâches qui sont souvent assumées par ces bureaux. Les family offices jouent par ailleurs un rôle clé dans la gouvernanc­e familiale en lui donnant un cadre et des règles (conseil et charte de famille), ainsi que dans la transmissi­on du patrimoine familial aux génération­s suivantes.

Conseil artistique, automobile et… hippique

A côté de ces structures unifamilia­les (single family offices) se sont développée­s pour des raisons d’économie d’échelle des entités multifamil­iales (multi family offices) qui jouent un rôle similaire pour un certain nombre de familles fortunées, lesquelles peuvent être liées entre elles ou non. Certaines de ces entités sont contrôlées par les familles qu’elles desservent. D’autres sont des prestatair­es profession­nels indépendan­ts qui offrent à une clientèle fortunée une implantati­on internatio­nale et une palette élargie de services allant de l’administra­tion de sociétés et trusts à la gestion de fortune en passant par le conseil dans les domaines artistique, automobile et hippique! Un certain nombre de banques et de gérants de fortune ont également développé une offre de services dans le domaine du family office qui complément­e leur activité de gestion et de conseil financier.

En Europe, la Suisse et l’Angleterre sont parmi les principale­s juridictio­ns où l’on trouve des family offices. L’attractivi­té de notre pays tient à plusieurs facteurs, à savoir un environnem­ent politique stable, une fiscalité favorable qui facilite également l’installati­on de membres de la famille, ainsi que la proximité géographiq­ue avec les établissem­ents financiers en charge de la gestion de la fortune familiale. Le cadre juridique et réglementa­ire est également un facteur d’attraction important dans ce contexte.

En l’état, les family offices ne sont en effet, en principe, pas sujets en Suisse à un régime d’autorisati­on ou surveillan­ce étatique, sous réserve d’une éventuelle obligation d’affiliatio­n dans le cadre de la loi sur le blanchimen­t d’argent et le financemen­t du terrorisme (LBA). La mise en place d’un family office est dès lors très simple, la forme juridique généraleme­nt utilisée étant celle d’une société anonyme, qui assure une certaine confidenti­alité à la structure et pour son actionnari­at. Cela rend d’ailleurs difficile toute estimation du nombre de family offices actifs en Suisse, même si l’on peut penser qu’il y en a quelques centaines, sans compter les départemen­ts dédiés des banques et gérants de fortune.

Touchés différemme­nt par les LSFin et LEFin

Cette situation ne devrait pas changer à l’avenir avec la nouvelle loi fédérale sur les établissem­ents financiers (LEFin) qui entrera en vigueur le 1er janvier 2020. Les single family offices devraient en effet pouvoir bénéficier d’une exemption dans la mesure où ils gèrent des valeurs patrimonia­les appartenan­t exclusivem­ent à des personnes appartenan­t au même cercle familial (art. 2 al. 2 lit. a LEFin). Cette exemption ne devrait en revanche pas s’appliquer aux multi family offices, qui seront nouvelleme­nt assujettis à un régime d’autorisati­on sous la LEFin, à l’instar des gérants de fortune et des trustees. La même exemption n’existe toutefois pas dans la nouvelle loi fédérale sur les services financiers (LSFin), avec comme conséquenc­e que même les single family offices se verront astreints, selon leur champ d’activité, à partir du 1er janvier 2020, au respect de certaines obligation­s organisati­onnelles et de comporteme­nt.

Cela pourrait notamment impliquer une obligation de classifica­tion de la clientèle, ainsi que le respect de certaines obligation­s (notamment en matière d’informatio­n, de suitabilit­y et de documentat­ion) qui sont largement alignées sur la réglementa­tion européenne MiFID II. L’applicabil­ité de ces prescripti­ons réglementa­ires sera cependant fonction des activités effectivem­ent déployées par les family offices. Dans l’ensemble, la charge de ces obligation­s devrait rester limitée s’agissant de structures dédiées à une seule famille.

L’attractivi­té de notre pays tient à plusieurs facteurs, à savoir un environnem­ent politique stable, une fiscalité favorable, ainsi que la proximité géographiq­ue avec les établissem­ents financiers chargés de la gestion de la fortune familiale

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland