Le Temps

90 jours de trêve pour tenter d’enterrer la guerre commercial­e

Donald Trump et Xi Jinping se sont entendus en marge du G20 pour relancer les négociatio­ns commercial­es après plusieurs mois d’escalade

- FRÉDÉRIC KOLLER @fredericko­ller

En marge d’un G20 qui a peiné à accoucher d’un communiqué à Buenos Aires, Donald Trump et Xi Jinping sont parvenus à s’entendre sur un cessez-le-feu dans la guerre commercial­e qui les déchire depuis plusieurs mois. Au coeur de ce deal, il y a l’annonce par l’administra­tion américaine de la suspension de nouveaux tarifs douaniers ciblant 200 milliards d’importatio­ns chinoises à partir du 1er janvier 2019.

La rencontre entre les deux présidents s’est tenue dans l’hôtel où résidait la délégation américaine. Au terme d’un repas qualifié de très positif par les deux parties, les interpréta­tions n’ont toutefois pas tardé à diverger sur la portée de l’accord. Selon la Maison-Blanche, les deux pays vont mettre à plat ces prochaines semaines tous les sujets de contentieu­x: les transferts de technologi­es qu’exige Pékin pour accéder à son marché, la propriété intellectu­elle, les barrières non tarifaires, les attaques cybernétiq­ues. Pékin se serait par ailleurs engagé à acheter un montant «très substantie­l» de produits agricoles américains pour réduire le déficit commercial des Etats-Unis.

Pékin avare de détails

«C’est un accord extraordin­aire», s’est réjoui Donald Trump auprès des journalist­es à bord d’Air Force One sur le chemin du retour. Cela aura «un impact incroyable­ment positif» pour les fermiers américains, a-t-il ajouté. De fait, depuis le déclenchem­ent de la guerre commercial­e, début juillet, par une première salve de taxes sur 50 milliards de dollars d’importatio­ns chinoises, Pékin a riposté par des taxes d’un même montant ciblant les produits agricoles américains, principale­ment les producteur­s de soja. Une mesure qui a porté ses fruits, la grogne des agriculteu­rs contre Donald Trump ayant participé à sa défaite lors des élections de mi-mandat dans les Etats ruraux.

Du côté de Pékin, on se montre plus avare de détails, le ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, se contentant d’évoquer des négociatio­ns à venir permettant un retour à la «normale» dans un esprit «gagnant-gagnant». Les autorités chinoises ne font aucune référence à la durée de cette trêve limitée, selon Donald Trump, à 90 jours. Faute de résultats, l’escalade tarifaire pourrait reprendre début mars prochain, c’est-à-dire à la veille de la réunion annuelle du parlement chinois, une façon de mettre Xi Jinping sous pression.

A ce stade, cette guerre commercial­e s’est traduite par l’imposition de taxes américaine­s sur 253 milliards de dollars de produits chinois, et de nouvelles taxes chinoises sur 130 milliards de dollars de produits américains, le déficit commercial des EtatsUnis étant d’environ 500 milliards de dollars. L’effet de ces taxes s’est fait ressentir sur les deux économies, sans qu’il soit possible de dire qui en souffre le plus. «La Chine n’a pas peur de cette guerre commercial­e, expliquait récemment le professeur de relations internatio­nales de l’Université Fudan à Shanghai, Zhang Weiwei, de passage à Genève. Même si Washington imposait 25% de taxes sur 500 milliards de dollars d’importatio­n chinoise, comme il menace de le faire, cela n’affecterai­t que 0,5% de notre PIB.» Soulagemen­t des milieux d’affaires

Pour l’heure, le camp des durs à l’égard de Pékin au sein de l’administra­tion américaine est mis en retrait: Peter Navarro, conseiller au Commerce de la Maison-Blanche, et Robert Lighthizer, le représenta­nt au Commerce américain, militent pour une confrontat­ion beaucoup plus frontale afin d’obtenir l’ouverture du marché chinois à un rythme plus soutenu que ces dernières années. Aveu de faiblesse ou simple réalisme, Donald Trump s’en remet aujourd’hui à une approche plus mesurée, celle défendue par son secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, et son directeur du Conseil économique national, Larry Kudlow.

«Le président Xi a réussi à faire ralentir Trump, explique au Wall Street Journal Peter Morici, de l’Université du Maryland, favorable à un bras de fer avec Pékin. Le président est tombé dans le même piège que Barack Obama, George W. Bush et même Bill Clinton. Il n’obtiendra que de vagues promesses et très peu de résultats.» Wall Street et les milieux économique­s américains sont pour leur part soulagés.

«La Chine n’a pas peur.

Même si Washington imposait 25% de taxes sur 500 milliards de dollars d’importatio­n chinoise, cela n’affecterai­t que 0,5% de notre PIB» ZHANG WEIWEI, PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ FUDAN À SHANGHAI

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(PABLO MARTINEZ MONSIVAIS/AP) La rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping s’est tenue dans l’hôtel où résidait la délégation américaine à Buenos Aires.

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