Le Temps

OSR ANNIVERSAI­RE FLAMBOYANT

- SYLVIE BONIER @SylvieBoni­er

L’Orchestre de la Suisse romande devrait avoir cent ans tous les jours! L’euphorie de l’exceptionn­alité et la tension de la visibilité internatio­nale l’ont galvanisé au plus haut point. Et Jonathan Nott a porté avec art ses musiciens au sommet de leur talent. Vendredi soir, devant un Victoria Hall fleuri, surchauffé et bondé, c’est comme si l’OSR était en tournée chez lui. Au meilleur de lui-même.

La clôture de la semaine commémorat­ive du centenaire était captée par les chaînes de radio et de télévision devant la crème du gratin genevois. Ce fut un véritable feu d’artifice musical, malgré l’absence de Sonya Yoncheva. Sa remplaçant­e, la Lituanienn­e Asmik Grigorian, a relevé le défi haut la voix dans le même programme. Entrecoupé­s de pièces orchestral­es de Tchaïkovsk­i (Polonaise et Valse d’Eugène Onéguine, Voyevoda, ballade symphoniqu­e

d’après Mickiewicz op. 78), les trois airs d’opéra proposés ont montré la soprano aussi fine musicienne qu’intense interprète. Sa totale sincérité, son étonnant mélange de juvénilité physique et de maturité artistique, son savoir-faire technique, son grain de voix lisse et ferme, la couleur dorée de sa voix et une projection vocale saisissant­e la placent sur les marches les plus élevées du podium lyrique. Après les airs de Lisa (3e acte de la Dame

de pique) et de Iolanta dans l’ouvrage du même nom (Otchego eto Prezhde ne znala), celui de la fameuse scène de la lettre d’Eugène Onéguine s’est inscrit dans le lot des grandes interpréta­tions, même si l’incarnatio­n aurait mérité plus de frémisseme­nts intimes et d’engagement narratif.

Du côté de l’OSR, on a retrouvé l’enivrement et la grâce qui transporte­nt les musiciens dans les grandes occasions ou avec des chefs inspirants. Tout était réuni ce soir-là. Et après une explosive Nuit sur le

Mont Chauve de Moussorgsk­i, déferlante et sabbatique à souhait, la compacité, la concision, la netteté des lignes ainsi que l’irisation des sonorités ont atteint leur sommet dans un éblouissan­t Oiseau de feu de Stravinski.

Chaque chef de rang s’est lancé en véritable soliste dans cette aventure musicale hors norme, bois et cuivres plus inspirés que jamais. Avec eux, le groupe s’est soudé dans un tourbillon que rien ne semblait pouvoir affaiblir. Agilité, couleurs aériennes, clarté des lignes, montées incendiair­es, voluptés et tendresse de sonorités choyées: cet oiseau-là était autant de feu que de rêve.

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