Droits humains: de la compassion à l’action politique
La Déclaration universelle des droits de l'homme (dont le Human Rights Film Festival de Zurich et le Département fédéral des affaires étrangères célébreront les 70 ans ce 10 décembre) et nos démocraties libérales sont aujourd'hui remises en cause. «Un mal nouveau nous guette, un mal plus insidieux, un mal plus pernicieux, un mal qui vient de l'intérieur qui ronge la culture démocratique», écrivait récemment Laurent Joffrin, le rédacteur en chef de Libération. Ce mal, c'est le national-populisme.
Le surgissement d'Etats à l'idéologie nationaliste responsables de la montée des populismes avec une nouvelle interprétation de la démocratie dite illibérale constitue une menace pour les droits humains. La politique des dirigeants en Hongrie, en Pologne, en Italie, en Turquie et au-delà avec l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis, celle de Bolsonaro au Brésil ou encore l'interventionnisme funeste de Vladimir Poutine, le démontre. En remettant en question l'Etat de droit et les contre-pouvoirs, ils menacent les libertés fondamentales. On observe ainsi un dévoiement de la démocratie libérale. En flattant le «peuple», ces leaders mettent en danger nos principes de protection et de liberté garantis par la Déclaration universelle. Cette dérive est encouragée par le règne de l'individualisme, l'Autre devenant un concurrent, voire un ennemi. Il est urgent de retrouver l'empathie du vivre-ensemble pour empêcher que la dignité humaine soit bafouée.
Pour cela, les défenseurs des droits humains devraient davantage passer de la compassion à l'action politique. Dénoncer les atteintes à la dignité humaine, défendre les victimes est nécessaire, mais cela doit être complété par un combat politique. Par leur intégrité et leur esprit non partisan, les défenseurs des droits de l'homme, qui font un travail admirable, imposent le respect. Ils sont conscients des dégâts causés par le relativisme, dont l'aspect le plus grave est d'ouvrir la brèche aux régimes despotiques pour renforcer leur pouvoir de nuisance.
Ces Etats sont passés à l'offensive. Ils prônent sans vergogne le racisme, l'homophobie, la misogynie, la xénophobie. Les étrangers sont leur bouc émissaire, la liberté d'expression et les journalistes sont leurs ennemis. Le péril dû à la dégradation du climat les indiffère. Leurs leaders ont déclaré la guerre aux démocrates, aux partisans d'une société plus juste, aux «bien-pensants» comme ils disent. On ne peut laisser les peuples être contaminés par les tenants d'un régime autoritaire, par les dérives identitaires. Les activistes des droits humains doivent pour cela sortir de leur isolement et investir le champ politique en accélérant le mouvement unitaire avec les partisans d'une société ouverte pour contenir la vague brune.
Comment accéder à une société plus juste? Comment restaurer le bien commun? Comment se joindre aux luttes menées par la société civile? Les réponses existent. Sortir les individus de leur isolement, c'est possible! Les politiques d'austérité du néolibéralisme ont accaparé des pans entiers d'espaces publics jusque-là gérés par l'Etat pour le bien de tous. Ces espaces privatisés sont à reconquérir; une majorité de citoyens abusés par la démagogie populiste est prête à se défendre. La mobilisation citoyenne des Américains, quelle que soit leur préférence politique sur les problèmes de santé, en est un exemple. Ils plébiscitent l'«Obamacare», pas pour les beaux yeux d'Obama, mais parce que c'est un acte de déprivatisation en faveur du service public.
Cette mobilisation est un acte de réappropriation du bien public car l'accès à la santé est un droit humain, un combat politique qui doit se mener avec tous les citoyens. Des chemins existent pour défendre la dignité humaine; ils ne sont pas seulement humanitaires, ils sont politiques. Arriverons-nous à en prendre conscience?
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Cette dérive est encouragée par le règne de l’individualisme, l’Autre devenant un concurrent, voire un ennemi