Le français, une langue «intelligente»
La maire de Montréal a prononcé mardi un discours entièrement en anglais. Une maladresse qui ne passe pas. Elle s’est excusée sur les réseaux sociaux, mais le mal est fait. «Inacceptable», selon les défenseurs de la langue de Molière
L’improvisation est un exercice périlleux. La maire – mais on devrait dire «mairesse» – de Montréal, Valérie Plante, en a fait les frais ce mardi lors d’un discours prononcé devant un parterre d’investisseurs britanniques en intelligence artificielle. Lors de cette conférence de presse, elle s’est exprimée uniquement en anglais. Un impair dans ce bastion francophone de l’Amérique. Ses notes étaient largement écrites dans la langue de Molière, mais elle a pris quelques libertés. «J’y suis allée sur le fly. Généralement, tout ce qui est international, je le fais en français et en anglais», a-t-elle précisé à la suite de l’événement. L’apparente légèreté de la réponse a fortement déplu aux défenseurs du français au Québec.
Contacté par la version locale du Huffington Post, le président de l’organisme Impératif français a fait part de sa colère. «C’est complètement inacceptable. Il faudrait rappeler à Mme Plante que le français est aussi une langue intelligente», a répondu Jean-Paul Perreault. Avant d’ajouter: «Mme Plante a des responsabilités à l’endroit du reste du Québec, à l’endroit de la francophonie, à l’endroit de la diversité mondiale.» Un rôle qu’elle ne peut oublier. Elle a présenté ses excuses sur Twitter en fin de journée. «Je suis fière d’être la mairesse de la métropole francophone d’Amérique du Nord et je demeure engagée à faire la promotion de notre langue commune et officielle sur toutes les tribunes», a-t-elle écrit.
Polémique close? Pas vraiment. La responsable politique a fait face à une vague de critiques. «Une sortie de votre texte, vous dites! C’est plutôt de l’arrogance de votre part…» lance une internaute. «Malheureusement pour vous, Mme Plante, même les médias vous dénoncent! Acceptez votre maladresse et ne soyez pas dans le déni!» lui recommande @Jacques_Martin1. Des électeurs expriment leur profonde déception, à l’image de @ PhilippeLemieux: «Je regrette tellement d’avoir voté pour vous. Ça m’apprendra! Bonne chance pour la suite!» Tandis qu’un autre réclame rien de moins que sa «destitution».
Sa prise de parole a également fait l’objet d’un débat télévisé entre jouteurs, des commentateurs de l’actualité. «C’est une gaffe. Elle s’en est rendu compte assez rapidement […]. Mais c’est inexcusable que la mairesse de Montréal donne un discours, économique ou autre, uniquement en anglais. En 2018, c’est incompréhensible», s’est offusqué Thomas Mulcair, homme politique et professeur invité à l’Université de Montréal sur la chaîne TVA Nouvelles.
L’exaspération est grande, et pour cause. Ce n’est pas la première fois que Valérie Plante craque pour la langue de Shakespeare. En mars dernier, elle a eu l’honneur de recevoir un Prix Citron décerné par Impératif français. Une récompense chargée d’ironie. «Quand on intègre de l’anglais dans chacun de ses discours, on envoie le message qu’on peut se débrouiller sans parler français à Montréal», jugeait-il dans le Huffington Post Québec.
La communauté francophone est inquiète. Dans la province de l’Ontario, où l’anglais domine, des milliers de personnes ont manifesté contre l’abandon d’un projet d’université entièrement en langue française. L’établissement devait sortir de terre en 2020 à Toronto. Raison de l’arrêt? Un manque de ressources, selon le premier ministre de l’Ontario. Une explication qui ne contente pas Justin Trudeau, le premier ministre canadien. L’Etat pourrait mettre la main à la poche, à hauteur de 50% du budget, pour assurer la construction du bâtiment. Sur 37 millions d’habitants, 8 millions sont francophones. Un chiffre qui illustre la fragilité du français dans cette région du monde.
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