Le Temps

Une vraie femme de pouvoir

Le second essai aura été le bon. La Saint-Galloise est enfin conseillèr­e fédérale. Retour sur une carrière faite d’ascensions

- B. W.

Agée de 54 ans, mariée à Morten Keller, médecin légiste et chef des services de santé de la ville de Zurich, sans enfants, Karin Keller-Sutter est traductric­e et interprète de formation, profession qu'elle a exercée durant une dizaine d'années. Mais elle a vite été happée par la politique. A 36 ans, elle fit son entrée au Conseil d'Etat de son canton, SaintGall, sous la bannière du Parti radical. Elle s'est retrouvée, sans l'avoir cherché, à la tête de la Sécurité et de la Justice. Ce ministère lui permit de devenir une actrice majeure de la sécurité en Suisse.

Contre la violence conjugale

Utilisant la marge de manoeuvre dont disposent les cantons, elle fit oeuvre de pionnière dans la lutte contre la violence conjugale et le hooliganis­me ainsi que dans le domaine de l'asile. Elle fut une présidente remarquée de la puissante Conférence des directeurs cantonaux de justice et police (CCDJP), fonction qui lui a servi de tremplin pour sa candidatur­e à la succession de Hans-Rudolf Merz au Conseil fédéral en 2010. Elle ne fut pas élue, mais sut se relever de cet échec, saisissant, l'année suivante, l'occasion d'une vacance au Conseil des Etats pour faire enfin son entrée dans ce cénacle très protégé qu'est le parlement fédéral, sachant ensuite présenter une seconde fois sa candidatur­e au gouverneme­nt fédéral en 2018, cette fois-ci avec succès.

Parce qu'elle est une femme de pouvoir confirmée, Karin Keller-Sutter a été courtisée par les groupes d'intérêts dès son arrivée à Berne en 2011. Elle est devenue administra­trice d'une caisse de pension et a accepté des mandats pour l'Union patronale suisse (UPS), la Swiss Retail Federation (commerce de détail), la Bâloise Assurances et la société de placement immobilier Pensimo. Elle les remettra tous d'ici à la fin de l'année, comme l'exige la règle. «Pour une protection efficace des salaires»

Au parlement fédéral, elle changea complèteme­nt d'univers. Adieu les affaires de justice, adieu la sécurité. Elle se tourna vers de nouveaux horizons: l'économie, la sécurité sociale, la santé, la politique extérieure. Poigne de fer dans un gant de velours, Karin Keller-Sutter s'est rapidement profilée comme l'une des personnali­tés les plus influentes du Conseil des Etats, qu'elle a présidé en 2018. Elle a été à la manoeuvre sur la réforme de l'imposition des entreprise­s III et la Prévoyance vieillesse 2020. Elle soutenait le premier mais pas le second.

En politique étrangère, elle s'est intéressée de près au Brexit. Aujourd'hui, elle se positionne de manière claire sur la question des relations bilatérale­s avec l'UE. «Il ne sera pas possible de gagner la votation à venir sur la libre circulatio­n des personnes sans une protection efficace des salaires», a-t-elle affirmé mercredi. Comme le veut l'usage, elle ne se prononce pas sur le départemen­t qu'elle rêve de reprendre, confiant tout juste que «chacun a ses préférence­s». On murmure cependant que les siennes pourraient être proches des dossiers traités par Johann Schneider-Ammann. Parfaiteme­nt polyglotte, elle passe de l'allemand au français ou à l'anglais avec une grande aisance. Durant ses études, elle avait effectué des séjours linguistiq­ues à Neuchâtel, Londres et Montréal ainsi qu'une formation postgrade en pédagogie à Fribourg.

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