La longue marche vers les exécutifs cantonaux
La part des femmes dans les gouvernements cantonaux et communaux n’atteint qu’un petit quart. Un chiffre qui illustre un parcours semé d’embûches
tAvec trois ministres femmes sur sept, la parité est presque atteinte au Conseil fédéral. Mais cette situation ne reflète pas la réalité de la représentation féminine à l'échelle du pays. Les femmes occupent près d'un tiers des sièges au sein de l'Assemblée fédérale et 27,9% dans les législatifs cantonaux. Dans les exécutifs en revanche, ce taux chute à un petit quart (24%). Elles partent de loin, puisque seules cinq femmes siégeaient dans un Conseil d'Etat en 1991 (3%).
Déjà au niveau communal
Mais rien n'est acquis. Aux Grisons, lors des dernières élections cantonales de juin, la seule femme du gouvernement, Barbara Janom Steiner, a été remplacée par un homme. Résultat, l'an prochain, le grand canton alémanique rejoindra le club des Etats régis uniquement par des hommes, avec Lucerne, le Tessin et Appenzell Rhodes-Extérieures.
La tendance se reflète déjà au niveau communal. La proportion d'élues au sein des municipalités plafonne autour d'un quart depuis dix ans, comme l'a constaté en 2016 une étude du politologue Andreas Ladner, de l'Institut de hautes études en administration publique (Idheap). Or l'échelon local est crucial, car il représente souvent la porte d'entrée dans le système politique.
Les partis ne sont pas égaux en matière de représentation féminine dans les exécutifs cantonaux. Le PDC fait figure de cancre avec 15%, suivi par le PLR (19,5%) et l'UDC (20,08%). Le PS se démarque: 44,8% de ses ministres sont des femmes. Pour comprendre les causes de la difficile marche des femmes vers les exécutifs, nous nous sommes penchés sur deux cantons aux antipodes: Vaud, exception avec une majorité de quatre sièges sur sept occupés par des femmes. Et en face, Lucerne et son collège 100% masculin.
Dans ce canton conservateur du centre de la Suisse, la situation ne changera pas de sitôt: même le PS a décidé de lancer un homme pour les prochaines élections cantonales, au printemps 2019. Le parti avait présenté une candidate en 2015 pour succéder à Yvonne Schärli et n'est pas parvenu à maintenir son siège. «Nous avons fait notre devoir. Le principal obstacle, ce sont les partis bourgeois», se dédouane le président, David Roth. «Nous prenons plus de coups»
Les chefs des partis bourgeois, de leur côté, reportent la responsabilité sur les femmes ellesmêmes. Tous affirment faire des efforts pour recruter des candidates, mais rencontrer davantage de résistance. «Les femmes se demandent plus sévèrement que les hommes si elles sont aptes. Elles sont aussi jugées plus sévèrement», explique Christian Ineichen, président du PDC. «Les femmes vont moins volontiers que les hommes au combat et acceptent moins facilement la défaite. Elles ont aussi souvent l'impression qu'elles doivent en faire davantage pour convaincre», estime Markus Zenklusen, président du PLR cantonal.
«Oui, nous prenons plus de coups, souligne la conseillère d'Etat PLR vaudoise Jacqueline sur leurs propositions ou leurs positions, ce qui fait partie du jeu politique.» De quoi freiner les velléités. D'autant plus que les par ces tentatives d'intimidation», souligne la ministre.
Pour la conseillère d'Etat Cesla Amarelle, l'exécutif est un monde difficile à concilier avec un engagement familial et qui favorise donc les hommes. «Ministre est un poste passionnant, où il faut savoir affronter les divergences d'opinion avec détermination. Pour des femmes socialisées dans une culture de conciliation et de médiation, s'imposer peut s'avérer difficile. Mais lorsqu'on a une majorité féminine à l'exécutif, comme dans le canton de Vaud, cela change la donne». Il manque toutefois encore de modèles comme Yvette Jaggi, souligne la socialiste. Yvonne Schärli a été conseillère d'Etat à Lucerne pendant douze ans. Elle relève elle aussi l'écueil familial, un thème d'ailleurs récurrent lors des campagnes: «Souvent, on m'a demandé comment j'allais pouvoir assumer mon mandat avec mes trois enfants. Cette question n'a jamais été posée à un collègue masculin, qui en a quatre.» Selon l'actuelle présidente de la Commission fédérale pour les questions féminines, qui mène une campagne dans les cantons pour la parité en vue des élections de 2019, c'est aux partis de faire pencher la balance: «Sachant les difficultés accrues rencontrées par les femmes dans leur parcours, ils doivent redoubler d'efforts pour leur offrir un soutien financier et humain plus important et les inscrire en bonne place sur les listes.»
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