Lausanne tente le papet végétarien
PATRIMOINE La chaîne de restaurants végétariens Tibits ouvre sa première filiale romande, dans les locaux mythiques de l’ancien Buffet de la gare de Lausanne. L’annonce, il y a deux ans, avait fait grand bruit. L’enseigne veut conquérir les anciens clients
«Nous voulons que végétarien rime avec épicurien», déclare Daniel Frei. Il est l'un des trois frères Frei, des Saint-Gallois qui ont fondé l'enseigne de restaurants végétariens Tibits. Ils étaient tous présents mercredi lors de la présentation de leur dixième filiale sur le point d'ouvrir en Suisse – et la première en Suisse romande – dans les locaux emblématiques de l'ancien Buffet de la gare de Lausanne.
Scandale il y a deux ans
En 2016, l'annonce de la venue de ce self-service dépourvu de tout produit carné à la place du restaurant datant de 1916 avait suscité la polémique. Ses détracteurs, surtout des habitués des lieux, dénonçaient le fait que des Alémaniques viennent imposer leur véganisme (l'offre Tibits est à 85% végane) dans un établissement connu pour son papet et autres plats à base de viande. Ils craignaient aussi de voir cet héritage patrimonial, avec ses peintures murales, entièrement transformé.
A l'heure de l'ouverture, les fondateurs de Tibits espèrent faire changer d'avis l'ancienne clientèle. En deux ans, les esprits semblent s'être apaisés: «Un ancien client du Buffet de la gare est venu hier et il a adoré», raconte Rolf Hiltl. Héritier du plus ancien restaurant végétarien du monde, le Zurichois a rejoint les frères Frei dans cette aventure «zéro viande», bien qu'il soit «flexitarien». D'ailleurs, les quatre associés le disent à l'unisson: 80% de la clientèle n'est pas végétarienne. Si le public est varié, l'enseigne attire une majorité de femmes.
Pour séduire les papilles des nostalgiques de l'institution, ces Alémaniques misent sur des plats traditionnels revisités, comme le papet vaudois ou les malakoffs. Un papet sans viande? «La saucisse est faite de seitan (à base de protéine de blé), tofu, aubergines, choux et épices», énumère Reto Frei, chargé des mets et boissons. De nombreux essais ont été nécessaires pour mettre les recettes au point.
Le concept du buffet est préservé: quelque 40 «petites gourmandises» sont proposées dans l'espace central du restaurant. Les clients paient au poids, alors gare aux grosses faims: il faut débourser 4,20 francs les 100 grammes. Entre les thés et cafés sophistiqués, limonades et cocktails, pas sûr que les «vieux de la vieille» y trouvent leur compte.
L’enjeu des peintures sur toile
Les frères Frei et Rolf Hiltl estiment que l'ambiance brasserie est bien là: toujours à leur place, les boiseries, le parquet et les peintures murales permettent de garder l'esprit des lieux. «Nous avons voulu préserver l'histoire du Buffet, nous y sommes sensibles», assure Daniel Frei.
Le bâtiment étant classé aux monuments historiques, les quatre acolytes ont étroitement collaboré avec la protection du patrimoine de la ville de Lausanne. Les peintures sur toile ont toutes été enlevées et restaurées. Non seulement esthétiques, elles sont aussi fonctionnelles: les collaborateurs de Tibits se servent du nom des toiles pour se répartir le travail: «Toi tu t'occupes de Montreux, toi du Cervin», entend-on dire un chef à ses employés.
A certains endroits, une tapisserie davantage au goût du jour a été appliquée. Idem pour les luminaires, désormais en laiton et suspendus au plafond. Le comptoir est, lui, surplombé d'une installation artistique à rouages, style Tinguely, qui est actionnée chaque jour manuellement à 17 heures.
Après Lausanne, les quatre acolytes lorgnent le bout du lac. «Nous avons beaucoup de demandes de Genève, mais ce n'est pas pour tout de suite», dit Rolf Hiltl. Tibits a vu le jour en 2000, après que l'un des frères Frei a découvert le concept du fastfood végétarien pendant ses études à l'EPFZ.
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