Le Temps

Deux poètes vont faire décoller le théâtre du Reflet

- MARIE-PIERRE GENECAND

A Vevey, Yves Hunstad et Eve Bonfanti enchantent le public avec leurs fables humaines et aériennes

Rarement une compagnie a aussi bien porté son nom. Depuis plus de trente ans qu’Eve Bonfanti et Yves Hunstad alimentent La Fabrique Imaginaire, chacune des propositio­ns de ce duo belge est une invitation à prendre de la hauteur pour mieux voir l’ordinaire. Digression­s et autres détours avant de jouer, à découvrir les 13 et 14 décembre au théâtre du Reflet, à Vevey, aura aussi cette aura. En témoigne le thème principal: une femme de l’espace entre dans la tête d’un auteur pour l’emmener dans une autre dimension…

Après «L’heure et la seconde» au Crochetan, à Monthey, l’an dernier, vous revenez avec «Digression­s et autres détours…» au Reflet. Que raconte ce spectacle?

Il raconte la cuisine de la création. Le public nous suit en train d’écrire un spectacle qui tente d’être à la fois sincère, cohérent et qui puisse emporter les gens dans un ailleurs conservant une conscience du monde. Il réalise à quel point cette démarche est complexe!

Concrèteme­nt, ça se passe comment?

On commence avec une mini-conférence sur le cerveau, dans laquelle on observe que si l’homme parle et pense depuis des millions d’années, il n’écrit que depuis 6000 ans. Voilà pourquoi l’écriture est encore souvent une chose maladroite.

Yves Hunstad, vous partez dans l’espace avec une guide mystérieus­e. Verra-t-on les étoiles?

Non, mais on verra des nuages! Plus sérieuseme­nt, le cosmos est suggéré par des bruits qui viennent vraiment de l’espace, via la NASA, et qui suggèrent l’immensité de l’Univers. Il se pourrait bien que le fauteuil rouge de l’écrivain, qui est d’abord très terrien, se transforme en fusée…

Pourquoi cet envol? Parce que l’homme moderne manque complèteme­nt de recul. Il pense pour les dix prochaines années alors que la terre existe depuis des milliards d’années. En regardant la planète de loin, on essaie de mieux cerner l’essentiel, le profondéme­nt humain. Le spectacle souhaite cela: intégrer dans nos réflexions la grandeur de l’Univers!

Vous êtes basés à Bruxelles et faites du théâtre depuis plus de trente ans. Quelle est l’évolution de cette discipline?

Une évolution catastroph­ique au niveau politique. Nos élus sont de moins en moins conscients de ce que l’art apporte au monde. La période est branchée sur la rentabilit­é, voire la corruption. Heureuseme­nt, il y a encore des artistes sensibles qui continuent à créer, même si les soutiens sont timides. Il y en a moins, mais ils travaillen­t avec plus d’intensité.

Digression­s…, les 13 et 14 décembre, Le Reflet, Vevey. Le mardi 11 décembre sera projeté «Le plaisir du désordre», un documentai­re que Christian Rouaud a réalisé sur le couple de créateurs.

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