Le Temps

L’adolescenc­e criminelle à la Comédie de Genève

- Sara – Mon histoire vraie (1), Genève, Comédie, jusqu’à dimanche. www.comedie.ch A. DF

Le metteur en scène Ludovic Chazaud invite à une randonnée dans les fourrés épineux de la jeunesse. Son spectacle laisse froid

A priori, tout devrait toucher dans Sara – Mon histoire vraie (1), à la Comédie de Genève jusqu’à dimanche. L’histoire? Un modèle de cruauté. L’exécution de Magali, adolescent­e différente, plus sexy que la moyenne, plus naïve aussi. Sara, amie du metteur en scène du spectacle Ludovic Chazaud, se souvient, vingt ans après, de la cabale montée contre cette fille de la classe. Elle se rappelle aussi le rôle joué par Sébastien, qui a conquis le coeur de la victime pour l’humilier.

Ce scénario devrait fendre l’armure des critiques les plus endurcis. Il laisse froid. Pis, il agace, tant le mélo de Ludovic Chazaud, 33 ans, accumule les tics d’un certain théâtre contempora­in, sans trouver sa voix.

Pourquoi cette Sara – Mon histoire vraie (1) ne prend-elle pas? En préambule, Ludovic Chazaud explique ses intentions à l’assistance. Il vous parle, en bordure de scène et de fiction, de Sara, la fiancée de ses étés d’adolescent, celle qui tourneboul­ait son coeur en juillet. Des années plus tard, il l’a revue. Elle est devenue mère. Il lui demande de lui raconter un remords, une folie, la part d’ombre de sa conscience. C’est ce récit au

statut trouble qu’on découvre endossé par Céline Nidegger et Mathias Glayre sur les planches nues du théâtre. Ils sont Sara, Sébastien, Magali, le narrateur et les personnage­s. Parfois, Ludovic mêle son grain de sel. C’est ce qu’on appelle une intrusion d’auteur. Sentimenta­lité mielleuse

Si on n’entre pas dans le jeu, c’est que le scénario s’étiole, dilué dans une sentimenta­lité complaisan­te, celle que souffle une musique très insistante. C’est aussi parce que Céline Nidegger, souvent excellente, peine à se délester d’une théâtralit­é qui ne convient pas à l’exercice. C’est enfin et surtout parce que tout relève du système, ce qui n’est jamais un problème en soi, sauf que cela suppose plus d’habileté et de grâce. Ici, les digression­s s’avèrent lourdingue­s: ce moment par exemple où les deux acteurs s’interrogen­t sur le style de jeu qui convient; ces suspension­s de récit, quand Ludovic Chazaud évoque sa propre paternité, fictive ou réelle.

Sara – Mon histoire vraie (1) se réclame de l’autofictio­n, ce genre qui naît avec Serge Doubrovsky et son fameux Livre brisé, qui a ses figures, Camille Laurens ou Christine Angot par exemple. Dans ce genre de texte, la vie remonte, mais remodelée, détournée, inquiétant­e parce que travaillée au fer rouge de l’écriture. Sara –

Mon histoire vraie (1), malgré la sincérité de son auteur, relève davantage de la mise à nu scolaire de la panoplie que de l’exposition vertigineu­se du sujet.

Il lui demande de lui raconter un remords, une folie, la part d’ombre de sa conscience

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