Avec Annegret Kramp-Karrenbauer, la CDU mise sur la continuité
A l’issue de six semaines d’une campagne âprement disputée, les chrétiens-démocrates ont élu hier Annegret Kramp-Karrenbauer pour succéder à Angela Merkel à la tête du parti
La CDU a donc opté pour la continuité. Les chrétiens-démocrates réunis hier en congrès à Hambourg ont élu Annegret Kramp-Karrenbauer, dite AKK, pour succéder à Angela Merkel à la tête du parti conservateur allemand. Souvent appelée «Mini-Merkel» au cours de la campagne, cette fidèle de la chancelière a convaincu les délégués avec «le meilleur discours qu’elle ait jamais prononcé», de l’avis du quotidien populaire Bild Zeitung, qui soutenait ouvertement son challenger, Friedrich Merz. «La CDU n’est pas mûre pour être dirigée par un homme!» ironisait aussitôt le quotidien alternatif Taz sur son site électronique. Face à deux hommes
De fait, AKK s’est imposée face à deux hommes: le «revanchard» Friedrich Merz, que Merkel avait court-circuité en 2002 et qui avait l’appui des milieux d’affaires, et le turbulent ministre de la Santé, Jens Spahn, âgé de 38 ans et incarnant un renouvellement générationnel. Depuis le congrès de 1971, au cours duquel Rainer Barzel avait battu Helmut Kohl, jamais un scrutin n’avait été aussi serré.
Emue aux larmes, Annegret Kramp-Karrenbauer a promis d’intégrer au sein du parti ses deux challengers. Plus conservatrice qu’Angela Merkel sur les questions de société, elle imprimera aux conservateurs allemands un léger virage à droite, mais sans heurts. Angela Merkel avait annoncé fin octobre qu’elle ne se représenterait pas à la tête de son parti – qu’elle présidait depuis dix-huit ans – après deux cuisantes défaites électorales en Hesse et en Bavière.
Pour la République fédérale, une page se tourne. L’enjeu du scrutin était en effet décisif, tant pour l’Allemagne que pour l’Europe. La nouvelle élue a en effet toutes les chances de succéder à Angela Merkel à la tête du pays et décidera de la politique européenne de l’Allemagne. Elle décidera aussi de l’avenir de l’impopulaire coalition CDU-SPD au pouvoir à Berlin, et donc de l’avenir politique de la chancelière qui a répété à Hambourg sa volonté de finir son mandat comme prévu, en 2021. L’élection d’AKK est une bonne nouvelle pour Angela Merkel. Il lui sera plus facile de poursuivre à la Chancellerie avec sa dauphine qu’avec Friedrich Merz.
Annegret Kramp-Karrenbauer a bénéficié du soutien des femmes de la CDU, mais aussi de l’aile ouvrière-chrétienne du parti, séduite par son profil plus social que celui de Friedrich Merz. Jupe noire, veste pied-de-poule, voix posée, AKK a rappelé sa longue carrière au sein du parti et l’importance de l’unité. En juin dernier, elle avait renoncé à son poste de ministre-présidente de son Land de Sarre pour occuper le poste nettement moins attirant de secrétaire générale de la CDU. Ce «sacrifice» a finalement été honoré par les délégués. AKK avait aussi pour elle d’avoir été la dernière à remporter haut la main une élection régionale face au SPD.
«Pour moi, il n’y a pas de cassure entre l’est et l’ouest, entre courant social et courant des affaires au sein du parti», a-t-elle souligné dans un discours de candidature enflammé de vingt minutes. «La CDU, a-t-elle ajouté, doit être le parti du courage, plutôt que de regarder avec inquiétude sur sa droite et sur sa gauche.» Son challenger Friedrich Merz avait demandé aux délégués d’opter pour un «signal de rupture et de renouvellement. Sans un profil clair, nous ne renouerons pas avec les succès électoraux», avait averti l’homme d’affaires.
La surprise de Jens Spahn
Les voix remportées au premier tour par Jens Spahn, 38 ans, auront au final fait la différence. Le contestataire ministre de la Santé d’Angela Merkel, présenté longtemps comme son meilleur ennemi, avait créé la surprise au premier tour en remportant 12% des voix, alors que les sondages le créditaient de 6%. Vendredi matin, un tiers des délégués disaient ne toujours pas savoir pour qui ils allaient voter. «AKK laissera plus de place à Spahn pour s’exprimer dans le parti que ne l’aurait fait Merz», estime Daniel, un jeune délégué de Berlin qui a soutenu le ministre de la Santé au premier tour avant de donner sa voix à la dauphine de Merkel au second tour. Dans un discours enflammé, Jens Spahn avait appelé à une ouverture du parti aux moins de 40 ans.
Merz et Spahn ont tous deux appelé leurs fidèles à soutenir le cours que AKK imprimera au parti dans les prochains mois. «La CDU a opté pour la raison, estime sur son site électronique le quotidien Süddeutsche Zeitung. Les délégués ont finalement considéré que Merz et Spahn incarnaient une ligne trop risquée, trop provocante. AKK en regard est perçue comme solide et incarnant l’unité.» ▅
«La CDU doit être le parti du courage, plutôt que de regarder avec inquiétude sur sa droite et sur sa gauche»