Le Temps

La démocratie a perdu Andreas Auer

Spécialist­e du fédéralism­e, le professeur de droit a inspiré la Constituti­on genevoise et fait avancer la recherche sur la démocratie directe

- CÉLINE ZÜND @celinezund

Andreas Auer, spécialist­e et défenseur de la démocratie directe, est décédé vendredi à l'âge de 70 ans. Né aux Grisons en 1948, cet éminent professeur de droit constituti­onnel aux université­s de Genève et de Zurich avait obtenu en 1975 son doctorat à Neuchâtel. Il a réalisé l'essentiel de sa carrière à Genève, où il a aussi fondé le Centre universita­ire de droit internatio­nal humanitair­e.

Au bout du Léman, il s'est distingué par son rôle d'inspirateu­r dans la nouvelle Constituti­on. Il suivra de près le processus qui aboutit en 2012 à une nouvelle charte fondamenta­le. En 2008, après plus de trente-deux ans passés au sein de l'alma mater genevoise, Andreas Auer s'installe à Zurich où il crée une chaire de droit public. Il emmène avec lui son Centre d'études et de documentat­ion sur la démocratie directe (C2D), créé en 1993 et basé depuis lors à Aarau. Le C2D, qui regroupe une équipe d'une dizaine de juristes et politologu­es, a notamment mis sur pied une banque de données électroniq­ue recensant les votations dans le monde depuis 1791. Nouvelles idées

Cet amateur de montagne n'hésitait pas à sortir de la sphère académique pour se mêler à la vie politique. Ainsi, il a contribué au lancement de l'initiative RASA («sortons de l'impasse»), visant à supprimer de la Constituti­on les dispositio­ns entrées en vigueur le 9 février 2014 pour freiner l'immigratio­n. Ce groupe de la société civile, révolté par le oui très serré à l'initiative UDC, a fini par retirer son texte trois ans plus tard.

Le professeur prenait souvent la plume pour analyser les soubresaut­s politiques, dans Le Temps et la NZZ. Ou proposer de nouvelles idées, comme l'élection du Conseil fédéral par le peuple. Andreas Auer s'était aussi engagé aux côtés d'autres professeur­s de droit contre l'initiative pour le renvoi des étrangers criminels – refusée en février 2016. Il défendait la marge d'appréciati­on des juges lors de l'examen des conséquenc­es d'une infraction pénale sur le droit de séjour des étrangers.

Le constituti­onnaliste a aussi joué un rôle dans l'octroi tardif et au forceps du droit de vote aux femmes en Appenzell Rhodes-Intérieure­s. En 1990, la Landsgemei­nde disait non pour la troisième fois au suffrage féminin. Andreas Auer, défendant l'idée que le refus du droit de vote féminin était inconstitu­tionnel, suggère aux opposantes de déposer un recours au Tribunal fédéral. Entendant ses propos à la télévision, une habitante du canton le prend au mot, bientôt suivie par d'autres. En 1991, les juges de Lausanne leur donneront raison.

 ??  ?? ANDREAS AUER
ANDREAS AUER

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland