La concertation entre la Suisse et l’Europe est finie et l’heure de vérité a sonné
Le Conseil fédéral n’a pas dit non à l’Union européenne (UE). Il admet que la négociation avec l’UE a pris fin. Il ne s’approprie pas totalement le résultat obtenu, approuve cependant plusieurs dispositions de l’accord, mais pas toutes, et soumet le projet d’accord à l’appréciation du premier cercle de ses interlocuteurs habituels dans le pays, commissions parlementaires, cantons, partis et associations.
Le Conseil fédéral a dit à plusieurs reprises vouloir négocier jusqu’à ce que les intérêts de la Suisse soient pris en compte: il a dû reconnaître qu’après 32 séances de discussions il n’était pas raisonnable de poursuivre l’exercice. Il met donc en consultation la version finale de l’accord réalisé «pour faciliter les relations bilatérales entre la Suisse et l’UE dans les parties du marché intérieur auxquelles la Suisse participe». Si de nouveaux pourparlers devaient s’avérer nécessaires, ce ne serait pas avant 2020 au plus tôt. Et la Commission européenne estime avoir rempli la tâche qui lui a été confiée par ses mandants le 5 mai 2014: pour entamer une quelconque nouvelle négociation, elle devrait se faire donner un nouveau mandat par le Conseil européen. Dans cette hypothèse, elle ne serait pas liée par les solutions de compromis contenues dans le projet d’accord du 23 novembre 2018. Ceux qui imaginent déjà pouvoir revenir à Bruxelles avec une nouvelle formulation des points relatifs aux mesures d’accompagnement, qui serait cette fois agréée par les partenaires sociaux, en sont pour leurs frais.
La consultation s’engage donc sous un ciel noir, sans lune, elle ne saurait déboucher sur de nouvelles demandes de la Suisse: le temps de la concertation est passé. Pour appuyer ce message qu’il ne veut cependant pas exprimer ouvertement, le Conseil fédéral énonce clairement quelles seraient les conséquences d’un refus éventuel du projet. C’est l’apocalypse… Il faut en effet prévoir la rupture des négociations en cours sur des accords relatifs à l’électricité, à la santé publique, à la sécurité alimentaire. L’insécurité juridique s’installera sur la levée des obstacles techniques au commerce, qui font l’objet d’une mise à jour périodique. La prochaine actualisation devrait concerner les produits médicaux qui touchent 14000 entreprises et 58000 emplois pour une valeur de 2,3 points du PIB et représente une part de 4% du volume total des exportations industrielles vers l’UE. L’ensemble des exportations vers ce marché valait en 2016 74 milliards de francs et se montait à 69% de la production industrielle exportée.
L’absence d’accord institutionnel peut entraîner encore la non-participation de la Suisse au programme-cadre de recherche de 2021 et des effets négatifs sur la participation de la Suisse à l’agence sur les chemins de fer, au cabotage aérien, à Galileo, le GPS européen…
La consultation qui s’ouvre est donc plutôt destinée à analyser le projet d’accord dans toutes
ses parties, à faire l’inventaire des avantages qu’en retire la Suisse, par exemple en matière institutionnelle – l’axe central de l’accord – et de procéder à une pesée des intérêts, en tenant compte des domaines où le point de vue de la Suisse n’a pas entièrement triomphé. Les concessions consenties par l’UE sont-elles équivalentes à celles que la Suisse devrait faire de son côté, les droits et obligations de part et d’autre sont-ils équilibrés et justifiés par le souci de préserver la voie bilatérale? Il s’agit évidemment de privilégier l’image d’ensemble plutôt que l’intérêt particulier, et c’est toute la difficulté de l’opération. Mais elle ne peut réussir que si le gouvernement s’engage de tout son poids politique dans le dialogue et la communication, même s’il entend réserver sa prise de position formelle au message qu’il enverrait le cas échéant au parlement. C’est dans cette perspective qu’il convient en effet de juger à ce stade les nouvelles péripéties de l’accord institutionnel, dans un esprit ouvert et constructif. ▅