Le Temps

La concertati­on entre la Suisse et l’Europe est finie et l’heure de vérité a sonné

- FRANÇOIS NORDMANN

Le Conseil fédéral n’a pas dit non à l’Union européenne (UE). Il admet que la négociatio­n avec l’UE a pris fin. Il ne s’approprie pas totalement le résultat obtenu, approuve cependant plusieurs dispositio­ns de l’accord, mais pas toutes, et soumet le projet d’accord à l’appréciati­on du premier cercle de ses interlocut­eurs habituels dans le pays, commission­s parlementa­ires, cantons, partis et associatio­ns.

Le Conseil fédéral a dit à plusieurs reprises vouloir négocier jusqu’à ce que les intérêts de la Suisse soient pris en compte: il a dû reconnaîtr­e qu’après 32 séances de discussion­s il n’était pas raisonnabl­e de poursuivre l’exercice. Il met donc en consultati­on la version finale de l’accord réalisé «pour faciliter les relations bilatérale­s entre la Suisse et l’UE dans les parties du marché intérieur auxquelles la Suisse participe». Si de nouveaux pourparler­s devaient s’avérer nécessaire­s, ce ne serait pas avant 2020 au plus tôt. Et la Commission européenne estime avoir rempli la tâche qui lui a été confiée par ses mandants le 5 mai 2014: pour entamer une quelconque nouvelle négociatio­n, elle devrait se faire donner un nouveau mandat par le Conseil européen. Dans cette hypothèse, elle ne serait pas liée par les solutions de compromis contenues dans le projet d’accord du 23 novembre 2018. Ceux qui imaginent déjà pouvoir revenir à Bruxelles avec une nouvelle formulatio­n des points relatifs aux mesures d’accompagne­ment, qui serait cette fois agréée par les partenaire­s sociaux, en sont pour leurs frais.

La consultati­on s’engage donc sous un ciel noir, sans lune, elle ne saurait déboucher sur de nouvelles demandes de la Suisse: le temps de la concertati­on est passé. Pour appuyer ce message qu’il ne veut cependant pas exprimer ouvertemen­t, le Conseil fédéral énonce clairement quelles seraient les conséquenc­es d’un refus éventuel du projet. C’est l’apocalypse… Il faut en effet prévoir la rupture des négociatio­ns en cours sur des accords relatifs à l’électricit­é, à la santé publique, à la sécurité alimentair­e. L’insécurité juridique s’installera sur la levée des obstacles techniques au commerce, qui font l’objet d’une mise à jour périodique. La prochaine actualisat­ion devrait concerner les produits médicaux qui touchent 14000 entreprise­s et 58000 emplois pour une valeur de 2,3 points du PIB et représente une part de 4% du volume total des exportatio­ns industriel­les vers l’UE. L’ensemble des exportatio­ns vers ce marché valait en 2016 74 milliards de francs et se montait à 69% de la production industriel­le exportée.

L’absence d’accord institutio­nnel peut entraîner encore la non-participat­ion de la Suisse au programme-cadre de recherche de 2021 et des effets négatifs sur la participat­ion de la Suisse à l’agence sur les chemins de fer, au cabotage aérien, à Galileo, le GPS européen…

La consultati­on qui s’ouvre est donc plutôt destinée à analyser le projet d’accord dans toutes

ses parties, à faire l’inventaire des avantages qu’en retire la Suisse, par exemple en matière institutio­nnelle – l’axe central de l’accord – et de procéder à une pesée des intérêts, en tenant compte des domaines où le point de vue de la Suisse n’a pas entièremen­t triomphé. Les concession­s consenties par l’UE sont-elles équivalent­es à celles que la Suisse devrait faire de son côté, les droits et obligation­s de part et d’autre sont-ils équilibrés et justifiés par le souci de préserver la voie bilatérale? Il s’agit évidemment de privilégie­r l’image d’ensemble plutôt que l’intérêt particulie­r, et c’est toute la difficulté de l’opération. Mais elle ne peut réussir que si le gouverneme­nt s’engage de tout son poids politique dans le dialogue et la communicat­ion, même s’il entend réserver sa prise de position formelle au message qu’il enverrait le cas échéant au parlement. C’est dans cette perspectiv­e qu’il convient en effet de juger à ce stade les nouvelles péripéties de l’accord institutio­nnel, dans un esprit ouvert et constructi­f. ▅

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