Comment renforcer la transparence des élus au parlement?
Comment renforcer la transparence du processus de formation de l’opinion de nos élus à Berne? Telle est la question qui agite régulièrement le parlement fédéral depuis bientôt dix ans. Elle est au programme du Conseil des Etats le 12 décembre prochain à l’occasion d’un débat sur une initiative de Didier Berberat portant sur l’accès des lobbyistes au parlement. Disons-le d’emblée, le lobbying ne se limite pas à une activité de contacts avec des élus à l’intérieur de la salle des pas perdus. Il se pratique également hors des sessions et hors de l’enceinte parlementaire.
Ce débat a cependant une forte valeur symbolique et révèle les différentes positions sur le lobbying. Pour une très faible minorité, issue des rangs de l’UDC, le lobbying est inutile. Cette minorité est hermétique à la question de la transparence des décisions politiques, car elles ne devraient pas être influencées par d’autres acteurs que le peuple. Pour l’immense majorité des parlementaires fédéraux, le lobbying est un rouage essentiel de la formation de l’opinion des élus. Au parlement, on lui trouve au moins deux vertus. D’une part, il permet de prendre «le pouls et le sentiment d’une partie de l’opinion publique». D’autre part, il permet d’expliquer les implications d’une décision ou d’une régulation sur un secteur donné. Les groupes d’intérêt sont au bénéfice d’une expertise spécialisée que ne peuvent pas maîtriser des parlementaires généralistes et de milice.
L’accès des lobbyistes au parlement est réglé par la loi sur le parlement: «Tout député peut faire établir une carte d’accès pour deux personnes qui désirent, pour une durée déterminée, accéder aux parties non publiques du palais du parlement.» Dans la pratique, ces deux autorisations sont accordées à des membres de la famille, à des assistants parlementaires, à des invités ou à des lobbyistes.
Les Chambres, dans leur majorité, sont divisées. Le Conseil national estime que ce système insatisfaisant doit être remplacé alors que le Conseil des Etats est favorable au statu quo. La chambre du peuple plaide pour une régulation administrative, fondée sur des critères objectifs, de l’attribution des accès aux lobbyistes, alors que celle des cantons veut maintenir une régulation politique et conserver cette compétence aux élus. Les tenants d’une régulation administrative veulent clarifier la nature de la relation entre les élus et les lobbyistes. Avec le système actuel, il se crée un lien de dépendance entre ces derniers qui génère au sein de l’opinion publique des soupçons malsains de connivence.
Pour les principaux concernés, cette situation est également très insatisfaisante. Forcés de demeurer dans l’ombre d’un élu pour accéder au parlement, ils sont contraints d’agir de manière quasi clandestine sans pouvoir assumer ouvertement leur activité. Sur le plan pratique, ce système est également insatisfaisant: chaque début de législature, ils doivent «quémander» auprès des élus une telle autorisation alors qu’elle est utile pour l’accomplissement d’une activité reconnue par la Constitution fédérale!
Une majorité des conseillers aux Etats ne l’entend pas de cette oreille et défend une régulation politique, via les élus eux-mêmes. Un argument a souvent été évoqué: il y a trop de lobbyistes qui occupent les places de travail dans les antichambres des salles des conseils. Cet argument trivial a perdu de sa pertinence depuis qu’ont été prises en 2012 des mesures pour y limiter l’accès des lobbyistes.
Un deuxième frein à un accès des lobbyistes au parlement porte sur la définition des critères pour l’autoriser. Ils devront être suffisamment larges pour ne pas exclure un groupe d’intérêt en particulier. Quels critères retenir? Le nombre d’employés d’un secteur? La capacité référendaire d’une organisation? Le débat sur les critères n’a jamais eu lieu en Suisse mais la pratique de parlements à l’étranger pourrait être une source d’inspiration.
Existerait-il d’autres raisons moins explicites pour justifier ce refus d’accorder un statut aux lobbyistes? Dans la mesure où certains parlementaires sont également liés à des intérêts particuliers, on peut se demander s’ils ne voient pas les lobbyistes professionnels comme des concurrents dont il s’agirait de limiter l’action. Un système d’accréditation fondé sur des critères objectifs permettrait justement de discréditer cette hypothèse en clarifiant les rôles des uns et des autres qui sont évidemment bien différents.
Le débat sur les critères n’a jamais eu lieu mais la pratique de parlements à l’étranger pourrait être une source d’inspiration