Au Conseil fédéral, un centre dangereusement affaibli
On se réjouissait déjà de voir Karin Keller-Sutter et Pierre-Yves Maillard réussir là où Johann Schneider-Ammann et Paul Rechsteiner ont échoué: relancer la voie bilatérale en sortant les mesures d’accompagnement de la libre circulation des personnes de l’ornière. C’est raté. L’UDC Guy Parmelin a barré la route à la Saint-Galloise, qui retournera ainsi à ses premières amours: Justice et Police. C’est dommage.
Karin Keller-Sutter avait toutes les cartes en main pour reprendre le portefeuille de Johann Schneider-Ammann: un bon réseau dans le monde économique, le sens de la négociation et du compromis, la créativité politique, la connaissance des langues, l’entregent. Toutes les cartes, sauf une: le droit d’ancienneté, qui conférait aux membres du gouvernement déjà présents le droit d’exprimer leur préférence.
Guy Parmelin va ainsi devenir ministre de l’Economie. Lui qui n’a pas le réseau industriel ni l’expérience d’ouvreur de marchés de son prédécesseur, ni l’habitude du partenariat social, ni la couleur politique idoine pour aller négocier à Bruxelles, ni les aptitudes linguistiques qui facilitent tant les contacts internationaux aura tout à prouver.
C’est lui qui, avec le chef syndical Pierre-Yves Maillard et Ignazio Cassis, devra démêler l’écheveau européen ces prochains mois. Il ne fait nul doute que l’habileté politique de Karin Keller-Sutter aurait fait merveille pour relancer un processus plus que jamais bloqué. Elle ne sera heureusement pas complètement écartée de ces discussions, car la libre circulation des personnes relève du Département de justice et police. C’est elle qui, sans doute en 2020, mènera la campagne contre l’initiative de l’UDC qui veut abolir la liberté de mobilité professionnelle sur le continent. Sa crédibilité sera très utile dans ce qui sera la mère de toutes les batailles menées par et contre l’UDC.
Au-delà des personnes, le remaniement ministériel décidé lundi va provoquer des changements internes importants. Désormais, ce sont les deux partis des pôles qui détiendront les départements clés. L’UDC, qui tient déjà les rênes des Finances, a mis la main sur l’Economie alors que le PS gouvernera l’Intérieur et les Infrastructures. Les partis du centre droit, dont on attend qu’ils construisent les nécessaires passerelles entre l’UDC et la gauche, doivent se satisfaire du reste: la Défense pour le PDC, Justice et Police et les Affaires étrangères pour le PLR. Il ne faut pas oublier que les Affaires extérieures ont toujours été considérées comme un département secondaire outre-Sarine: depuis 1917, seuls deux Alémaniques l’ont dirigé pour une durée totale de neuf ans sur cent!
Alors que la Suisse a plus que jamais besoin de resserrer les rangs et de bâtir des compromis acceptables par une majorité du parlement et du peuple, cette répartition déséquilibrée représente un risque considérable. L’affaiblissement du centre droit peut amorcer la fin de la concordance telle qu’on l’a conçue jusqu’à maintenant.
Le PS et l’UDC détiennent désormais les quatre départements clés