Le Temps

Le grand coup de sac du Conseil fédéral

Simonetta Sommaruga et Guy Parmelin changent de départemen­t, et les passent à Karin Keller-Sutter (Justice et Police) et Viola Amherd (Défense)

- BERNARD WUTHRICH, BERNE t @BdWuthrich

C'est le grand coup de sac: quatre départemen­ts changent de chef le 1er janvier prochain. Comme prévu, Simonetta Sommaruga a manifesté le désir de remettre celui de Justice et Police (DFJP) dans de nouvelles mains. Elle reprend le Départemen­t de l'environnem­ent, des transports, de l'énergie et de la communicat­ion (DETEC), libéré par Doris Leuthard.

Cela signifie qu'elle ne compte pas quitter le gouverneme­nt au terme de sa seconde année présidenti­elle, en 2020. Elle a dit lundi «avoir eu du plaisir» à diriger le DFJP, qui n'était pas son premier choix lorsqu'elle a été élue en 2010. «Mais c'est le bon moment de faire quelque chose dans un autre départemen­t», a-t-elle confié lundi. Elle considère le DETEC comme le ministère qui cimente le pays, réseau ferroviair­e et SSR compris. Elle ajoute que c'est pour elle une forme de «retour aux origines», car elle s'occupait des dossiers des transports et des télécommun­ications lorsqu'elle siégeait au parlement.

Guy Parmelin prend l’Economie

Guy Parmelin a aussi souhaité changer d'air. Ou plutôt son parti. Selon plusieurs sources concordant­es, c'est l'UDC qui a demandé à son conseiller fédéral de viser une nouvelle activité. Il reprend l'Economie (DEFR), qui regroupe tout le secteur de la formation, de la recherche et de l'innovation ainsi que l'agricultur­e. Pourquoi ce départemen­t? «Pourquoi pas?» répond-il ironiqueme­nt, avant de préciser: «A la Défense [ndlr: DDPS], j'ai eu de nombreux contacts avec les écoles polytechni­ques dans le domaine de la cybersécur­ité et de la digitalisa­tion. C'est un domaine qui m'intéresse, tout comme la formation duale. Et il y a l'agricultur­e, un dossier toujours compliqué auquel je peux donner des impulsions», répond-il.

Interrogé sur sa connaissan­ce lacunaire de l'anglais, de plus en plus indispensa­ble dans les contacts internatio­naux, il dit «assez bien maîtriser l'anglais passif. Lors de mes voyages en tant que chef du DDPS, j'ai pu m'exprimer sans problème et, en cas de besoin, recourir à des traducteur­s», répond-il, visiblemen­t agacé par la question. Le PLR, qui aurait bien vu Karin Keller-Sutter poursuivre le travail de son ministre démissionn­aire, demande expresséme­nt à Guy Parmelin de «poursuivre la politique de libre-échange» menée par le Bernois.

Pas de «monopole de la pensée» à l’armée

Il quitte le DDPS après l'avoir dirigé pendant seulement trois ans. «Certains conseiller­s fédéraux ont changé de départemen­t avant trois ans», souligne-t-il. Il énumère les changement­s intervenus durant cette période: la nouvelle loi sur le renseignem­ent est sous toit, le Conseil des Etats vient d'adopter une motion qui demande un arrêté de planificat­ion soumis à référendum pour la défense solair et l'acquisitio­n d'un nouvel avion de combat, le désenchevê­trement de Ruag a été lancé à la suite du piratage informatiq­ue dont le groupe d'armement a été la cible. «Et surtout, tient-il à ajouter, il y a presque vingt-trois ans que ce départemen­t est tenu par le même parti, l'UDC. Il ne faut pas avoir de monopole de la pensée. Tout le monde doit être impliqué.» Il fait allusion au fait que, successive­ment, Adolf Ogi, Samuel Schmid, Ueli Maurer et lui-même ont piloté le ministère.

Une femme à la Défense

La démocrate-chrétienne Viola Amherd lui succédera. C'est la première fois qu'une femme dirigera l'Armée en Suisse. Mais il y a des précédents à l'étranger: l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Espagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Finlande, la Bosnie, l'Afrique du Sud, le Japon, le Nicaragua, l'Inde, le Kenya, l'Ethiopie ont ou ont déjà eu une femme ministre de la Défense.

Le Conseil fédéral a procédé à un vote pour attribuer les deux départemen­ts libérés par Simonetta Sommaruga et Guy Parmelin. Le PDC fait contre mauvaise fortune bon coeur: alors qu'il n'a qu'un membre au gouverneme­nt, il ne considère pas que l'attributio­n de la Défense à Viola Amherd soit un revers. Guy Parmelin assure d'ailleurs que «le DDPS n'est pas un départemen­t de deuxième classe».

Un retour aux origines pour Karin Keller-Sutter

Quant à Karin Keller-Sutter, elle revient à ses premières amours: elle dirigera le DFJP, comme du temps où elle était conseillèr­e d'Etat à Saint-Gall et présidente de la Conférence intercanto­nale des chefs de Départemen­t de justice et police. Elle aurait souhaité reprendre l'Economie, et avait pour cela l'appui des milieux économique­s. Mais Guy Parmelin lui a brûlé la politesse.

Les trois autres conservent leurs dossiers: le président de la Confédérat­ion, Alain Berset, garde l'Intérieur; le vice-président, Ueli Maurer, les Finances et Ignazio Cassis, les Affaires étrangères. Une nouvelle redistribu­tion des cartes l'an prochain, si, d'aventure, Ueli Maurer décide de quitter le gouverneme­nt, n'est pas exclue.

«Il y a vingt-trois ans que la Défense est tenue par le même parti, l’UDC. Tout le monde doit être impliqué»

GUY PARMELIN, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

 ?? (PETER SCHNEIDER/KEYSTONE) ?? Guy Parmelin et Simonetta Sommaruga: les deux ministres prennent la tête d’un nouveau départemen­t.
(PETER SCHNEIDER/KEYSTONE) Guy Parmelin et Simonetta Sommaruga: les deux ministres prennent la tête d’un nouveau départemen­t.

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