La volatilité s’est installée sur les marchés
La guerre commerciale entre Washington et Pékin, les incertitudes autour du Brexit et le ralentissement de l’activité économique, notamment en Chine, plongent les investisseurs dans le doute. Les bourses ont trébuché lundi
tL’indice VIX qui mesure la volatilité des marchés a atteint lundi 25,47 points. Sur une échelle de 100, ce n’est pas énorme. Mais c’est là son niveau le plus haut depuis le début de l’année, à l’exception d’un sommet brièvement atteint en janvier. Autant dire qu’il s’agit de l’un des phénomènes marquants en 2018, plus particulièrement en cette fin d’année. «Nous devons nous y faire», recommande René Morgenthaler, responsable de gestion à la banque Bonhôte à Neuchâtel.
C’est ainsi qu’après une semaine chaotique, les principales places financières ont commencé cette semaine dans le doute. En Asie, Hongkong, Shenzhen, Shanghai, Tokyo ont pris le relais de Wall Street qui avait terminé la séance de vendredi dans le rouge. L’indice japonais Nikkei a reculé de 2,1%.
Par la suite, l’Europe a ouvert aussi dans le rouge, mais plutôt dans l’expectative. Enfin, dès les premiers signaux négatifs arrivant de Wall Street, toutes les bourses ont reculé. Le SMI, l’indice phare suisse, a cédé 2,17%. Quant à Wall Street, l’indice S&P 500 perdait 1,38% en début de soirée, tandis que le Dow Jones reculait, lui, de 0,95% et que le Nasdaq évoluait à l’équilibre.
Doutes sur la trêve
Les facteurs qui alimentent cette volatilité sont multiples. En premier, la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. «L’approche musclée envers la Chine n’a pas cessé de croître au sein de l’administration Trump, qui est d’ailleurs passée de la parole aux actes avec l’imposition des importations chinoises, rappelle René Morgenthaler. La semaine passée, les investisseurs ont été soulagés de la trêve annoncée par le président américain Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping à Buenos Aires en marge du sommet du G20. Mais beaucoup doutent de la concrétisation de cet accord.»
En réalité, la situation s’est même envenimée avec l’arrestation de Meng Wanzhou, directrice financière du géant des télécoms Huawei, la semaine passée au Canada, à la demande des Etats-Unis.
Autre raison: le Brexit. Le parlement britannique devait voter mardi soir sur l’accord négocié entre Londres et Bruxelles pour une sortie ordonnée du RoyaumeUni de l’Union européenne. Mais la première ministre britannique Theresa May a décidé lundi de renvoyer ce vote. Les marchés n’y croient plus et commencent plutôt à envisager les prochaines étapes: changement de premier ministre, renégociation, élections ou même un second référendum. De quoi entraîner une période d’incertitudet.
Les marchés ont également tenu compte de la publication dimanche d’indicateurs économiques en Chine qui ne rassurent pas. Les prix à la production industrielle ont freiné en novembre, signe d’un ralentissement de l’activité économique. Par ailleurs, selon une annonce des douanes chinoises samedi, la croissance des échanges commerciaux avec le reste du monde a aussi ralenti en novembre. Changement de régime
Aux Etats-Unis, l’économie commence aussi à montrer des signes de faiblesse. La croissance de l’emploi – indicateur très suivi – a ralenti en novembre. «Même si le taux de chômage reste inchangé à 3,7%, au plus bas depuis quarante-neuf ans, la baisse a suffi pour provoquer une forte chute de Wall Street vendredi», souligne René Morgenthaler.
Pour Samy Chaar, chef économiste de la banque Lombard Odier, il y a certes le flux de nouvelles quotidiennes auquel les investisseurs sont sensibles, mais il y a aussi un changement de régime qui est intervenu en 2018. «Le taux d’intérêt a pris la pente ascendante et le coût du capital a augmenté, souligne-t-il. Dans la foulée, la monnaie américaine a renchéri, ce qui crée beaucoup de nervosité sur le marché, notamment au niveau de l’endettement qui est libellé en dollars.»
C’est dans ce contexte que la Banque centrale européenne (BCE) se réunira jeudi et mettra probablement fin à son programme d’assouplissement monétaire. La Réserve fédérale se réunira la semaine prochaine. «Mario Draghi, président de la BCE, et Jerome Powell, le patron de la Fed, devront jouer aux équilibristes, poursuit Samy Chaar. Tant l’économie européenne qu’américaine évoluent dans un environnement relativement favorable, mais ils ne peuvent ignorer les inquiétudes des marchés.» Selon lui, la BCE et la Fed iront de l’avant avec leur propre stratégie, mais probablement à un rythme moins soutenu que prévu.
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