«C’est toujours gratifiant de connaître un conseiller d’Etat»
Majid Khoury, patron de la société Capvest, se trouvait aussi à Abu Dhabi lors du Grand Prix de novembre 2015
A 14h45, le Ministère public s’attaque à la toute première audition de Majid Khoury. Actionnaire très majoritaire de Capvest (99%, le 1% restant est détenu par son frère) et actionnaire à 100% de Capstone (qui détient notamment Renovis), il estime la valeur de son groupe entre 50 et 100 millions de francs. Assisté de Mes Marc Hassberger et Guillaume Vodoz, le prévenu explique avoir rencontré Antoine Daher, d’origine libanaise tout comme lui, à l’Institut Florimont. Il travaille pour une de ses entreprises depuis 2009.
Un oncle surnommé «le parrain»
Majid Khoury explique qu’Antoine Daher a rencontré Pierre Maudet dans un avion lorsqu’il se rendait à Beyrouth. «Il me l’a présenté en 2014. Il était alors conseiller d’Etat. C’est un homme que j’admire pour son énergie et sa vision économique […]. Je le vois deux ou trois fois par année. On se tutoie.» L’homme d’affaires, qui se trouvait à Dubaï au printemps 2015, y a croisé Pierre Maudet et lui a conseillé de se rendre à Abu Dhabi, centre névralgique de la région. «C’est moi qui ai évoqué la première fois la possibilité de se rendre au Grand Prix.» Il a ensuite contacté son oncle, Charbel Ghanem, surnommé «le parrain» ou encore «padrino», pour tenter d’obtenir une inscription sur la liste des invités.
Le prévenu explique qu’il s’est ensuite tenu éloigné de l’organisation du voyage et du détail des rencontres.
Les procureurs lui rappellent un message du 23 novembre 2015 à Antoine Daher: «Salut Antoun, dis à
PM qu’il a rendez-vous avec le cheikh samedi prochain. Il recevra l’info officiellement.» Majid Khoury pense qu’il faisait sans doute référence au cheikh Hazaa Bin Zayed Al Nahyan, le ministre de la Sécurité, et que tout cela avait été organisé par son oncle.
Dîner et cadeaux
C’est bien la famille Ghanem, plus précisément le fils Philippe, patron d’ADS Securities, qui a organisé le dîner au Cipriani et sur le bateau qui se trouvait dans la marina du Grand Prix. «Pierre Maudet a été invité sur le bateau à titre amical et sur mon initiative. Il n’y a pas d’affaires avec Pierre Maudet. C’est lors de cette rencontre sur le bateau que des cadeaux ont été offerts à lui et sa famille. Je présume que les cadeaux ont été payés par ADS Securities ou par mon oncle.» Majid Khoury explique lui aussi que ces offrandes sont habituelles pour des personnalités et dit ne pas se souvenir que c’est lui qui est allé les acheter.
Lui aussi dit avoir été sollicité dans la fabrication d’un mensonge, une fois parus les premiers articles consacrés à l’affaire. Le chef de cabinet et Antoine Daher lui ont demandé «s’il était possible d’indiquer dans la presse que le voyage de novembre avait été financé par mon oncle Charbel Ghanem. Je leur ai répondu que cela était totalement exclu […] et que je ne comprenais pas pour quelle raison ils ne disaient pas simplement la vérité.»
Des contacts mais pas de faveurs
Sur le sondage Ipsos, Majid Khoury soutient que la facture finale pour ses sociétés s’est révélée bien plus élevée que les 15000 francs qu’il était prêt à mettre initialement. «Antoine Daher avait une certaine latitude dans la gestion des fonds.» Il ajoute avoir découvert, par la presse, le paiement de l’anniversaire par Renovis et entend réclamer un remboursement à son directeur.
Quant à ses liens avec Pierre Maudet, Majid Khoury assure n’avoir jamais demandé au ministre d’intervenir en sa faveur. Il lui a pourtant parlé de plusieurs projets, dont l’achat d’un terrain au Grand-Saconnex. «Je lui ai indiqué que j’avais une vision sur ce terrain et je souhaitais la partager avec lui.» Des réunions ont ensuite été organisées via le Département de l’économie, chapeauté alors par Pierre Maudet. Confronté à certains messages, le prévenu précise: «Ce n’était pas un lien qui m’était utile, Il ne m’était pas non plus inutile. C’est toujours gratifiant de connaître un conseiller d’Etat.»