Emmanuel Macron ne viendra pas à Davos
CONTESTATION La nouvelle journée de mobilisation des révoltés, attendue ce samedi, intervient alors que la confiance des Français dans la politique est au plus bas
WEF Après Donald Trump retenu par le «shutdown», le président français renonce à son tour à sa participation au Forum économique mondial. La raison: la crise sociale qui traverse le pays. La majorité des Français soutiennent toujours les «gilets jaunes» et leur confiance dans la politique ne cesse de s’éroder.
L’acte IX de la mobilisation des «gilets jaunes» a le feu vert d’une majorité de Français. 60% d’entre eux, selon le dernier sondage Elabe publié le 9 janvier, continuent de soutenir le mouvement qui, depuis la mi-novembre, déferle chaque samedi sur les villes de France. Preuve de l’inquiétude ambiante face à la montée de la violence contre laquelle le gouvernement a prévu de déployer 80000 policiers à travers le pays – dont 5000 à Paris –, le soutien au mouvement a toutefois perdu 10 points depuis Noël (31% contre 41%) tandis que la sympathie à son égard demeure stable, à 29% des personnes interrogées. Début décembre, l’approbation du mouvement culminait à 72%.
Sentiment dominant: la lassitude
Une autre étude, publiée vendredi, apporte un éclairage plus complet sur ce début d’année 2019, marqué par la poursuite du bras de fer entre le pouvoir exécutif français et les protestataires. Selon le baromètre de la confiance politique réalisé chaque année par l’institut Opinion Way et Sciences Po pour Le Figaro, un tsunami de mécontentement et de défiance envers la politique submerge aujourd’hui l’Hexagone, bientôt deux ans après l’élection à la présidence d’Emmanuel Macron. 32% des Français estiment que la lassitude est le sentiment dominant (en hausse de 8% par rapport à décembre 2017). 31% se disent «moroses» (en hausse de 8%). 31% sont «méfiants». Et 13% affirment avoir peur (en hausse de 5%). Tous les indicateurs positifs – Sérénité (17%), Bien-être (14%), Confiance (11%) – sont en nette baisse. Signe révélateur: jamais le sentiment de peur n’avait été aussi élevé depuis… décembre 2009, en pleine tourmente financière mondiale.
Qu’en déduire sur la mobilisation des «gilets jaunes» et la poursuite de l’affrontement politique, alors que le chef de l’Etat lancera le 15 janvier son «grand débat national» dans l’Eure, avant de se rendre trois jours plus tard dans le Lot? D’abord que ce mouvement conserve sa légitimité, dans un pays où, selon l’étude de Sciences Po, 58% des Français jugent que leurs enfants ont moins de chances de réussite que leur génération, et où 60% d’entre eux estiment que la situation économique de la France s’est dégradée en 2018 (33% la jugent un peu dégradée, 27% beaucoup). Ensuite que, parmi les revendications des «gilets jaunes», le coût de la vie et les questions fiscales caracolent en tête.
Selon le sondage d’Elabe, 48% des Français souhaitent aborder en priorité le pouvoir d’achat lors du grand débat national, et 44% veulent une réduction des impôts et des taxes. La question du chômage et des inégalités arrivent derrière, citées par 28% des sondés. Echo révélateur à la proposition d’instaurer un référendum d’initiative citoyenne (RIC), souvent entendue sur les barrages et les ronds-points: 27% des personnes interrogées qui se définissent comme «gilets jaunes» estiment que la participation des citoyens aux décisions doit être à l’agenda de cette grande consultation supposée s’achever à la fin mars. A noter par contre: 3% seulement des Français interrogés par Sciences Po estiment que le mouvement des «gilets jaunes» est un événement qui «conduit à avoir confiance dans l’avenir». Oui aux protestations donc. Mais sans guère d’illusions.
Patron de l’IFOP, un autre institut de sondage, Brice Teinturier nous avait confié en novembre 2018 que «la société française a renoué avec une forme d’exaspération et de radicalité». Le constat, trois mois plus tard, est encore plus explosif. 75% des Français n’ont plus confiance (44% pas confiance du tout, 29% plutôt pas confiance) dans l’institution présidentielle et dans le gouvernement, soit le plus mauvais score enregistré par le baromètre de Sciences Po depuis décembre 2009. Les seuls élus à bénéficier encore d’une opinion majoritairement favorable sont les conseillers municipaux et les maires (54% et 58%), dont Emmanuel Macron a justement promis de faire le socle du débat national qui s’ouvre.
Un gouffre d’insatisfaction
Plus généralement, le rapport des Français à la politique est, en ce début 2019, un gouffre d’insatisfaction. 37% affirment avoir envers elle de la méfiance et 32% du dégoût alors que 2% seulement ressentent toujours du respect. Autre raison du succès du RIC: 85% des Français pensent que leurs dirigeants ne se préoccupent pas de leur avis et, fait nouveau, 70% d’entre eux disent ne plus faire confiance à l’Etat pour résoudre les problèmes du pays.
La fracture incarnée par les «gilets jaunes» et le retour de la lutte des classes en France apparaissent enfin crûment. 69% des Français disent être d’accord avec l’affirmation selon laquelle «pour établir la justice sociale, il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres». 49% d’entre eux – soit le score le plus élevé depuis décembre 2010, en pleine crise de la dette souveraine grecque – disent souhaiter une «réforme en profondeur» du système capitaliste. Quant aux meilleurs moyens de se faire entendre, la réponse est sans ambages: 42% des Français citent les manifestations dans la rue. Un chiffre en hausse de 16% par rapport à décembre 2017.
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49% des sondés disent souhaiter une «réforme en profondeur» du système capitaliste