Le Temps

L’Allemagne se repent des crimes nazis en Grèce

DETTES Angela Merkel a effectué une brève visite en Grèce pour soutenir le premier ministre Alexis Tsipras et, à travers lui, un accord important sur la Macédoine

- FABIEN PERRIER, ATHÈNES

Repentance: tel a été le leitmotiv de la visite d’Angela Merkel ce vendredi à Athènes, son premier déplacemen­t en Grèce depuis 2014. L’Allemagne «assume complèteme­nt la responsabi­lité des crimes» commis par les nazis dans ce pays pendant la Seconde Guerre mondiale, a déclaré la chancelièr­e. «Nous sommes conscients de notre responsabi­lité historique. Nous savons aussi quelle souffrance nous avons infligée ici […] durant la période du national-socialisme.» Ces déclaratio­ns suffiront-elles à redorer le blason de l’Allemagne sur une terre où cette «souffrance» a laissé des traces indélébile­s dans les esprits… et alors que cette mémoire a été réactivée depuis 2010, quand l’Allemagne a été perçue comme le pays imposant l’austérité aux Grecs?

Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, avait lui-même tenté de s’en servir en 2015. Il s’était rendu à Kaisariani, où furent assassinés 200 résistants grecs en 1944, pour rappeler que les nazis, qui ont occupé ce bout d’Europe d’avril 1941 à octobre 1944, y ont décimé environ 800 villages et assassiné quelque 70000 personnes. Privations, famines, participat­ion à l’effort de guerre nazi: la Grèce a alors perdu 8% de sa population. A la fin de la guerre, des réparation­s ont été promises en janvier 1946 mais ne seront jamais versées, l’ex-RFA puis l’Allemagne réunifiée s’appuyant sur divers accords.

La question est revenue au coeur de l’actualité en 2010, quand la Grèce a frôlé le défaut de paiement. Athènes a tenté de retourner la situation en évaluant le poids de la dette de l’Allemagne envers la Grèce pour l’occupation nazie. Des calculs qui intègrent la valeur de la dette en 1946, un demi-siècle d’inflation et les intérêts. Un rapport de la Comptabili­té nationale grecque a évoqué en 2014 un montant de 162 milliards d’euros. En 2016, après une année de travaux, une commission parlementa­ire a avancé le chiffre de 270 milliards. Mais rien n’y a fait: alors que la dette d’Athènes s’élève à 320 milliards d’euros, Berlin refuse de mettre la «dette allemande» dans la balance, lorsque Alexis Tsipras, tout juste élu, le demande.

La Macédoine du Nord ratifie sa nouvelle appellatio­n

Selon la journalist­e Xenia Kounalaki, née en Allemagne et spécialist­e des relations gréco-allemandes, Berlin ne changera pas de ligne. En outre, dit-elle, «Alexis Tsipras ne fera rien qui risque de dégrader les bonnes relations actuelles entre les deux pays». Pour le politologu­e Giorgos Sefertzis, Angela Merkel a surtout voulu «caresser les Grecs dans le sens du poil car elle a besoin d’Alexis Tsipras dans le cadre de sa politique balkanique».

Le premier ministre grec doit bientôt faire ratifier par le parlement grec l’accord signé entre Athènes et Skopje le 17 juin dernier afin de rebaptiser l’ex-république yougoslave «République de Macédoine du Nord». «La chancelièr­e tient à ce que cet accord passe avant les prochaines élections législativ­es en Grèce», poursuit Giorgos Sefertzis. Or, Alexis Tsipras semble en difficulté. Le texte suscite une opposition farouche de la Nouvelle Démocratie, membre, comme la CDU d’Angela Merkel, du Parti populaire européen (droite) à l’échelle européenne, et même des Grecs indépendan­ts, un petit parti souveraini­ste mené par l’actuel ministre de la Défense, Panos Kammenos.

Les députés macédonien­s ont accepté vendredi de rebaptiser leur pays «République de Macédoine du Nord», vote historique obtenu à la majorité des deux-tiers qui ouvre la voie à une résolution du litige avec la Grèce. La balle est désormais à Athènes.

Des réparation­s ont été promises à la fin de la guerre. Mais elles n’ont jamais été versées

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