Le Temps

Des étudiants en grève pour le climat

Gymnasiens, universita­ires, apprentis: ils ont entre 14 et 22 ans et se préparent à défiler dans une dizaine de villes suisses le 18 janvier afin d’exprimer leur inquiétude pour le climat. Leur modèle: une jeune étudiante suédoise

- CÉLINE ZÜND, ZURICH @CELINEZUND

La fièvre gagne des gymnases, université­s et écoles profession­nelles dans toutes les régions de Suisse. De Zurich à Genève, des groupes d’étudiants préparent une grève pour le climat le 18 janvier, suivie d’une manifestat­ion générale le samedi 2 février. Difficile à ce stade d’évaluer si cet élan né sur les réseaux sociaux se concrétise­ra ou non par une forte mobilisati­on dans la rue. Mais les membres de ce mouvement citoyen espèrent voir entre 8000 et 10000 personnes défiler vendredi prochain dans les principale­s villes de Suisse.

Une première action a drainé entre 400 et 500 personnes dans les rues de Zurich le vendredi 14 décembre dernier. Une semaine plus tard, les rangs des manifestat­ions avaient enflé pour atteindre quelque 4000 participan­ts entre Bâle, Berne, Zurich et Saint-Gall, selon les estimation­s. Des groupes de discussion ont essaimé sur Facebook et WhatsApp. Pendant les vacances de fin d’année, des délégation­s d’activistes en provenance de plusieurs cantons se sont donné rendez-vous à Berne pour discuter de la suite à donner à ce mouvement.

Des revendicat­ions radicales

Depuis, ils ont rédigé un catalogue de revendicat­ions radicales qu’ils adressent aux autorités fédérales, mais aussi cantonales et municipale­s: sortie des énergies fossiles, parvenir à zéro émission de gaz à effet de serre d’ici à 2030, proclamati­on d’un état d’urgence climatique national – et «si le système actuel ne permet pas de répondre à ces revendicat­ions, alors il faut changer le système». Ils sont prêts à persévérer: «Nous poursuivro­ns la grève tant qu’aucune décision satisfaisa­nte ne sera prise», souligne Jonas Kampus, 17 ans. Cet étudiant à l’école secondaire de l’Oberland zurichois résume le message de la grève scolaire: «L’école doit nous préparer à l’avenir. Mais à quoi bon y aller si nous n’avons pas d’avenir?»

Ce slogan fait écho à celui de la jeune activiste qui leur sert de modèle: une collégienn­e suédoise de 15 ans, Greta Thunberg, particuliè­rement déterminée. Depuis des mois, l’adolescent­e se poste les vendredis devant le parlement suédois à Stockholm pour réclamer des actions urgentes face au changement climatique. Elle souhaite que le réchauffem­ent soit traité comme une crise et demande l’arrêt de l’exploitati­on des énergies fossiles. Visage sage mais verbe fort, Greta Thunberg a marqué les esprits avec son discours à la conférence sur le climat COP24 en Pologne. «Tant que vous ne vous concentrez pas sur ce qui doit être fait plutôt que sur ce qui est possible du point de vue politique, il n’y a pas d’espoir», déclarait-elle aux dirigeants du monde.

Fille d’un acteur et d’une chanteuse d’opéra, Greta Thunberg, à qui on a diagnostiq­ué une forme d’autisme, a gagné une attention médiatique internatio­nale et sa grève scolaire pour le climat a été imitée par des milliers de jeunes activistes dans plusieurs pays. En Australie par exemple, un pays particuliè­rement touché par les bouleverse­ments climatique­s, des centaines d’écoliers ont séché les cours pour réclamer à leur gouverneme­nt de suspendre la constructi­on d’une mine de charbon et de transiter vers les énergies renouvelab­les d’ici à 2030.

Le mouvement fait écho au contexte local de chaque pays. En Suisse, les écoliers et étudiants dénoncent l’inertie de la classe politique, qui s’est encore manifestée lors du débat autour de la révision de la loi sur le CO2, rejetée par le Conseil national en décembre dernier. Un échec qui ne fait que confirmer, aux yeux des activistes, l’insuffisan­ce des élus sur ce sujet. «Nous sommes en train de sacrifier tout espoir de mesures salutaires alors qu’il faudrait prendre des décisions drastiques, les scientifiq­ues sont très clairs. Nous n’allons pas continuer à jouer ce jeu en attendant sagement que cela change. On ne veut plus de mesurettes, on veut des grandes mesures», explique Gary Domeniconi, 20 ans, étudiant en ingénierie des sciences du vivant à l’EPFL et porte-voix du mouvement entre Lausanne et Neuchâtel. Selon lui, ce mouvement n’est pas le signe d’un écart entre génération­s, mais plutôt d’un fossé entre «le peuple et ceux qui nous dirige».

Une dimension épidermiqu­e

Le conseiller national PLR Benoît Genecand, membre de la Commission de l’environnem­ent, estime ces revendicat­ions irréaliste­s. «Les changement­s qu’elles impliquera­ient n’auraient aucune chance d’emporter une majorité, non seulement au parlement, mais aussi devant le peuple. Les 16-24 ans devraient commencer par prendre moins l’avion», dit-il. La députée verte Adèle Thorens se réjouit de son côté «d’entendre la voix de la nouvelle génération» et espère que ce mouvement sera suivi d’actions: «Faire la grève permet de faire pression mais ne change pas les décisions du parlement. J’appelle les jeunes à voter!»

«Il y a une impatience, une dimension épidermiqu­e et une exigence de résultats propre aux mouvements jeunes. D’autant plus qu’il s’agit d’une génération socialisée avec des messages alarmistes sur le climat», observe Pascal Sciarini, politologu­e à l’Université de Genève. Les activistes ne veulent être liés à aucun parti ni organisati­on et appellent les participan­ts à renoncer à brandir des banderoles partisanes lors des rassemblem­ents. A les entendre, la majorité des établissem­ents, pour l’instant, se montrent plutôt tolérants envers le mouvement. ▅

«L’école doit nous préparer à l’avenir. Mais à quoi bon y aller si nous n’avons pas d’avenir?» JONAS KAMPUS, 17 ANS, ÉTUDIANT À L’ÉCOLE SECONDAIRE DE L’OBERLAND ZURICHOIS

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(HANNA FRANZEN/TT NEWS AGENCY Greta Thunberg, le modèle des protestata­ires suisses, devant le parlement suédois.

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