Le Temps

«Les attentes sont maintenant très élevées au Brésil»

- PROPOS RECUEILLIS PAR RAM ETWAREEA @ram52

Selon Ilan Goldfajn, le président de la banque centrale du Brésil, le nouveau président Jair Bolsonaro poursuivra les réformes qu’il a engagées

Ilan Goldfajn, président de la banque centrale brésilienn­e (Banco central do Brasil), donnera une conférence* qui prend l’allure d’un événement mardi à Genève. Il sera l’invité du Centre internatio­nal d’études monétaires et bancaires (CIMB). Et pour cause, la récente élection de Jair Bolsonaro, ancien militaire, politicien national-populiste et qui promet de rompre brutalemen­t avec les pratiques du passé, a mis le pays sous les projecteur­s.

Dans une interview au Temps, Ilan Goldfajn explique que le nouveau gouverneme­nt arrive au moment où toutes les conditions sont réunies pour atteindre une plus forte croissance en 2019. Il met toutefois en garde contre les attentes démesurées de la population suite aux promesses électorale­s. Le banquier central brésilien révèle aussi qu’il quittera ses fonctions en mars.

L’annonce de votre départ a surpris tout le monde… Quelles en sont les raisons?

J’ai décidé de partir pour des raisons personnell­es. Après deux ans et sept mois à la tête de la banque centrale brésilienn­e, je compte poursuivre ma carrière dans d’autres secteurs. Je reste toutefois en fonction jusqu’à ce que le Sénat confirme la nomination de mon successeur.

En tant que président de la banque centrale brésilienn­e, quel regard portez-vous sur l’économie du pays en ce début d’année?

L’inflation est sous contrôle et le restera ces prochaines années. Le taux d’intérêt est aussi à un bas niveau, ce qui est une bonne stimulatio­n pour l’économie.

L’économie justement, le Brésil revient de loin…

Oui, nous sommes entrés en récession en 2015, et 2019 sera la deuxième année de reprise. La croissance – 1,3% – était faible en 2018. Pour cette année, nous nous attendons à un taux de 2,5%.

Dans ce cas, comment expliquer que le président Jair Bolsonaro réclame un traitement de choc pour l’économie brésilienn­e?

Son idée est de poursuivre les réformes et d’augmenter la flexibilis­ation de l’économie. Si le nouveau gouverneme­nt arrive à mettre les comptes courants en ordre, l’économie gagnera en productivi­té.

En tout cas, la bourse brésilienn­e apprécie les projets du nouveau régime.

Les marchés aiment toujours la libéralisa­tion de l’économie, les privatisat­ions, la réduction des dépenses publiques et surtout la visibilité et la confiance.

Les attentes sont très élevées désormais. Le défi est de pouvoir mettre en place les mesures annoncées et satisfaire l’électorat.

N’y a-t-il tout de même pas des risques? Vous avez sans doute remarqué que l’élection de Jair Bolsonaro a suscité quelques craintes. Qu’allez-vous dire lors de votre conférence à Genève à ce sujet?

Que le plus important est de mettre en place une politique monétaire crédible, sachant que l’environnem­ent fiscal reste fragile. Et que le succès dépend de la déterminat­ion à aller jusqu’au bout en matière de réformes.

Ne craignez-vous pas pour l’indépendan­ce de la banque centrale?

Non. Son autonomie est acquise. C’est par ailleurs une condition pour la stabilité du système monétaire. Le Ministère de l’économie peut avoir ses propres priorités qui ne sont pas celles de la banque centrale. Mais à ce stade, je ne vois que des signaux positifs pour les investisse­urs.

On a vu récemment l’indépendan­ce des banques centrales quelque peu remise en question, notamment aux Etats-Unis où le président Donald Trump a tenté d’influencer une décision de la Réserve fédérale? Qu’en pensez-vous?

Les banques centrales constituen­t le dernier recours en cas de crise financière et économique. Elles disposent des outils pour agir. Remettre en question leur indépendan­ce, c’est mettre leur crédibilit­é en jeu. Les marchés ont aussi besoin de savoir que les banques centrales peuvent agir en toute indépendan­ce lorsqu’une situation l’impose.

Quel est le message que vous laisserez à votre successeur?

Beaucoup de travail a été accompli pour assainir l’économie, mais il doit se poursuivre. Le marché doit voir la continuité dans la politique monétaire et dans les réformes structurel­les.

Quel regard portez-vous sur l’Argentine, qui a replongé dans une crise économique et financière?

Je suis certain que les mesures adoptées par le gouverneme­nt argentin en collaborat­ion avec le Fonds monétaire internatio­nal porteront leurs fruits en 2019.

Dans quelle mesure les programmes d’assoupliss­ement monétaire dans les pays avancés ont-ils affecté les pays émergents?

2018 a été une année difficile pour eux. L’excès de capitaux dans les pays riches a provoqué un flux vers les pays émergents, ce qui a alimenté l’inflation. Puis, le resserreme­nt monétaire a provoqué le mouvement inverse. Plusieurs pays comme l’Argentine ou la Turquie ont vu une décélérati­on de la croissance. D’autres pays comme l’Inde, le Brésil et l’Indonésie ont dû se protéger. Le Brésil a poursuivi les réformes, c’est ce qui l’a aidé à garder le cap de la croissance.

«Le marché doit voir la continuité dans la politique monétaire»

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ILAN GOLDFAJNPR­ÉSIDENT DE LA BANQUE CENTRALE DU BRÉSIL

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