Filmer le handicap qui ne se voit pas
La RTS diffuse dimanche 13 janvier «Bucéphale», un documentaire sur le parcours de l’athlète handisport genevoise Celine van Till
On croit que tout s’arrête alors que tout commence. En 2008, une chute de cheval lors d’un stage en Allemagne projette Celine van Till, 17 ans, membre du cadre suisse junior de dressage, dans un autre monde. Un monde en deux dimensions, puisqu’elle perd la notion de profondeur, en plus d’un champ de vision rétréci, d’une tétraplégie partielle, de troubles de l’équilibre et de l’attention.
Dix ans après, la Genevoise a écrit un livre, obtenu un bachelor en management et marketing, coiffé la couronne de Miss Handicap, donne des conférences, a réalisé son rêve de participer aux Jeux de Rio (mais en catégorie paralympique) et s’est mise à la course à pied. Elle tient aussi un blog hébergé par Le Temps. Un parcours étonnant qui a incité le documentariste Damien Marti à lui consacrer trois ans de travail et un film, Bucéphale, du nom de la monture d’Alexandre le Grand. «Selon la légende, ce cheval avait peur de son ombre. J’y ai vu une belle métaphore de cette jeune femme qui doit apprendre à s’accepter et à tirer un trait sur sa vie d’avant.» Beauté troublante
Ce qui devait au départ n’être qu’un web-documentaire est devenu un véritable film, coréalisé et monté avec Chloé Seyssel, qui s’attache à montrer les grands problèmes et les petites victoires d’une sportive pas comme les autres. «Au début, j’ai vu ce que l’on imagine facilement: le courage, l’intégration par le sport, même si ça n’est pas qu’un film de sport. Ce qui est très particulier chez Celine, c’est que son handicap se voit peu, et pas au premier regard. Sa beauté ajoute au trouble de sa situation. Elle dit elle-même: «Souvent, les gens pensent que je suis bourrée.» Comment le montrer? A des détails, une démarche qui titube, un oeil qui part un peu de travers. Elle n’a rien cherché à cacher, elle a été très ouverte, et d’une grande sincérité vis-à-vis de ses problèmes.» Après discussions, la famille a accepté de montrer les images de la chute, qui avait été filmée par son père.
Tourné au moment où Celine van Till tentait d’obtenir sa qualification olympique (sans savoir si elle allait y parvenir), le film a eu de la peine à voir le jour: des moyens financiers limités. «Il est toujours difficile de faire financer son premier film», estime Damien Marti. Et le décès du directeur de la société de production. Le budget a été bouclé grâce à un financement participatif qui a permis de récolter 10000 francs. Acheté par la RTS après avoir tourné dans des festivals, il a désormais la chance de rencontrer un large public.
■