La musique suisse en mode immersif
Le binaural, c’est simplement de la stéréophonie améliorée, affirmait l’autre jour Renaud Millet-Lacombe à l’antenne de Paradiso, l’excellente émission musicale de la RTS. L’ingénieur du son était pour une fois devant le micro, et non derrière, pour évoquer la websérie Immersif, produite par Couleur 3 et dévoilée sur YouTube à la veille de la veille de Noël. A savoir cinq capsules de six, sept minutes, qui nous plongent dans l’univers de musiciens suisses en utilisant les potentialités du son binaural, ou, c’est plus parlant, du son 3D: il faut visionner
Immersif en branchant un casque à son ordinateur ou à son smartphone afin d’avoir l’impression que les sons viennent littéralement de tous les côtés. Le résultat est bluffant, et je ne dis pas ça parce qu’aux côtés de Millet-Lacombe, l’auteur et réalisateur de cette série documentaire n’est autre qu’Arnaud Robert, fidèle collaborateur du Temps.
En regardant Immersif, on entend la Genevoise d’adoption Danitsa évoquer ses racines métissées et son tropisme jamaïcain. Mais aussi le batteur Nelson Schaer expliquer comment son super-groupe L’Orage doit autant au free-jazz qu’au folklore malien, et le duo Peter Kernel s’amuser de faire ce qu’on leur a déconseillé de faire: ne pas avoir d’emploi fixe et se dédier totalement à leur art. Ou encore le multi-instrumentiste Louis Jucker raconter comment il bricole des chansons suffisamment souples pour s’intégrer dans n’importe quel environnement sonore, et enfin la violoncelliste Estelle Revaz parler de la fragilité de l’instant, des sentiments, de l’émotion, ainsi que de l’importance du silence qui succède à la musique.
Les vidéos sont courtes, mais elles suffisent pour pénétrer l’univers singulier de chaque artiste, appréhender leur démarche, comprendre ce qui les fait avancer. Et il y a donc ce son binaural. Quand les musiciens jouent dans un environnement naturel, hors studio, nous arrivent toutes sortes de sons. Lorsqu’on découvre Estelle Revaz sur un alpage valaisan, et qu’à son violoncelle plusieurs fois centenaire se mêlent le chant des oiseaux et la rumeur d’un bisse, on ressent une émotion qui d’habitude n’arrive que lorsqu’on écoute de la musique live. Il y a là quelque chose de quasi charnel.
Immersif fait partie de ces projets multimédias qui ouvrent de nouvelles pistes au journalisme. A ce titre, excusez cette autopromo, avez-vous vu la websérie Rap suisse,
piste africaine, réalisée par Le Temps et qui raconte le voyage au Bénin des rappeurs genevois Di-Meh, Slimka et Pink Flamingo? Une autre preuve de la puissance cinégénique et narrative de la musique.