LE REGARD DES AUTRES…
Une histoire entre auberge espagnole et tour de Babel
Un album qui dit la complexité de l’enfance, un autre qui célèbre l’ouverture d’esprit: ou quand l’autre, qu’il soit humain ou animal, nous définit et nous éclaire ◗
Nino est un enfant. Mais Susanna Mattiangeli nous dit très vite qu’il est bien plus que ça. Pour son papa et sa maman, il est un fils, mais il est aussi le petit-fils de ses grands-parents, un cousin, un frère, un élève.
Et que ce soit par les mots ou par les images – ces dernières superbes dans leur expressivité douce et leur loquacité – ces facettes sont démultipliées. Car la journée du garçon est rythmée par son imagination. S’il se suspend comme un singe dans le bus, c’est qu’il y voit une jungle, et si à l’école on lui demande de redescendre sur terre, c’est parce que son esprit voguait vers des aventures plus exaltantes. L’invention, la créativité, l’affabulation guettent à chaque pas.
Nino dans tous ses états est un bien bel hommage à l’enfance et aux mondes imaginaires (intimes ou collectifs, car les références littéraires abondent) que les petits fréquentent. Mais il va plus loin: il dit la complexité d’un jeune esprit, et il pointe aussi sa perméabilité. Ainsi, quand son ballon casse une fenêtre, Nino devient «tous les noms et les gros mots qu’on lui jette au visage». Superbe mise en garde en direction des adultes.
La surprise finale vient du narrateur, ce «je» qui raconte si bien Nino.
C’est son meilleur ami. Un enfant.
«Appartement à louer»: les habitants ont à peine posé ce panneau que déjà les éventuels locataires se pressent. La fourmi, la lapine, le cochon: tous visitent et commentent, et tous renoncent non pas à cause d’un défaut des lieux, mais… du voisinage, qu’ils jugent sévèrement. La poule est disgracieuse, le coucou élève mal ses enfants, la chatte est trop noire.
Enfin arrive la colombe…
L’éditeur nous apprend que l’album est un classique de la littérature jeunesse israélienne. Ecrite en 1959 par Lea Goldberg (1911-1970), traduite aujourd’hui pour la première fois en français et illustrée pour l’occasion par la jeune artiste Anna Griot, cette histoire entre auberge espagnole et tour de Babel parle de cohabitation, d’ouverture d’esprit et de tolérance.
Avec sa construction répétitive, ses dialogues dynamiques et ses vers libres, avec ses images vives qui se déclinent autour d’un orangé chaleureux, cette fable, sous une apparente naïveté, délivre un message fort.