Marine Le Pen mise sur la révolte
La présidente du Rassemblement national a lancé dimanche sa campagne pour les élections européennes du 26 mai. Avec, à l'esprit, la contestation des «gilets jaunes»
La dernière fois qu’un jeune homme politique français avait secoué la salle parisienne de la Mutualité remonte au 12 juillet 2016. L’intéressé se nommait Emmanuel Macron, alors âgé de 38 ans, et le lancement de sa campagne présidentielle fut couronné par le succès que l’on sait. Plus fort, cette fois: c’est à son porte-parole de 23 ans, Jordan Bardella, conseiller régional d’Ile-de-France, que Marine Le Pen a confié la tête de liste du Rassemblement national (l’ex-Front national) pour les élections européennes du 26 mai. Un pari générationnel sur fond de vague des «gilets jaunes» dont l’extrême droite espère profiter en faisant de ce scrutin un référendum anti-Macron: «Le premier responsable de la situation, c’est lui», a tonné la présidente du RN, qui ne sera pas candidate au Parlement de Strasbourg, où elle a siégé de 2004 jusqu’à son élection à l’Assemblée nationale française en 2017. «On ne lutte pas contre la désespérance à coups de gaz lacrymogènes.»
Pour le Rassemblement national, les élections au Parlement européen sont le scrutin parfait. Chaque parti français doit présenter une liste nationale de 79 sièges (cinq de plus que sous la précédente législature, en raison du départ du Royaume-Uni de l’UE). Le vote a lieu à la proportionnelle intégrale, ce qui avait permis à l’ex-FN d’arriver en première position en 2014, avec 24,86% des voix et 24 eurodéputés. L’objectif de cette année est de faire au moins aussi bien, avec en arrière-plan les 33,9% des suffrages rassemblés par Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de mai 2017. En profitant non seulement de la colère des «gilets jaunes» – que les élus locaux RN essaient de canaliser sur le terrain – mais aussi de deux autres accélérateurs électoraux: la division de la droite traditionnelle sur les questions européennes et le vent des populismes qui souffle partout au sein de l’UE.
Coté division de la droite française, Marine Le Pen a enfoncé deux clous ce dimanche, en recrutant l’ancien ministre des Transports de Nicolas Sarkozy (et ex-député des Français de l’étranger pour la zone Russie-Asie-Océanie) Thierry Mariani et un ex-député UMP de la Gironde, Jean-Paul Garraud, autrefois chargé des questions de justice au sein du parti conservateur devenu Les Républicains. Le premier, promu numéro trois sur la liste RN, a cogné d’emblée, accusant son ancienne formation, dirigée par Laurent Wauquiez, de défendre des thèses souverainistes en France et de «se coucher à Bruxelles devant le président de la Commission Jean-Claude Juncker et devant Angela Merkel». Une référence à la participation de sa formation au Parti populaire européen (PPE), dominé à Strasbourg par les eurodéputés conservateurs allemands – le candidat déclaré du PPE à la présidence de l’exécutif communautaire est d’ailleurs le Bavarois Manfred Weber, actuel chef de groupe à l’Europarlement.
Aréopage xénophobe
L’autre angle d’attaque du RN sera la «révolte» des souverainistes et nationalistes européens, appelée de ses voeux par Marine Le Pen lors de sa rencontre à Rome le 8 octobre avec le ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini. Depuis, ce dernier a tissé sa toile, imposant sur l’Europe des thèses xénophobes éloignées de celles de son allié, le Mouvement 5 étoiles. Salvini avait rencontré en août le premier ministre hongrois Viktor Orban. Il se trouvait à Varsovie la semaine dernière pour négocier avec le parti Droit et Justice au pouvoir. A charge, pour le RN français et sa tête de liste Jordan Bardella, de trouver sa place dans cet aréopage europhobe dont la cible commune est… Emmanuel Macron.