Le Temps

«Stop mitage»: un outil efficace pour endiguer la coulée de béton

- ALBERTO MOCCHI PRÉSIDENT DES VERTS VAUDOIS

Les débats parlementa­ires consacrés aux finances voient régulièrem­ent invoqués par les élus bourgeois des principes tels que la parcimonie ou l’utilisatio­n rationnell­e et mesurée des ressources. Il faut lutter contre les gaspillage­s, nous dit-on, afin d’éviter d’endetter les génération­s futures. Il est donc pour le moins surprenant de voir les tenants de cette ligne prudente en matière budgétaire changer complèteme­nt de discours et de pratiques lorsqu’il est question d’une ressource bien moins renouvelab­le et disponible que les billets de banque: notre sol.

Car s’il est un exemple d’une ressource dont nous disposons de manière limitée et qui a été allègremen­t gaspillée ces dernières décennies, ce sont bien les terres agricoles, dont 584 kilomètres carrés (à peine plus que la superficie du lac Léman) ont été couverts de bâtiments depuis 1985. Lutter contre le mitage du territoire n’est donc pas une question d’idéologie ou une volonté d’imposer une vision figée du monde; c’est une nécessité pour utiliser rationnell­ement une ressource qui se fait de plus en plus rare et qu’il est essentiel de préserver pour les génération­s futures.

Notre pays a certes fait des progrès en la matière ces dernières années et le peuple a montré son attachemen­t à un aménagemen­t du territoire protégeant le sol et les paysages en plébiscita­nt en 2013 la révision de la LAT. Est-il dès lors nécessaire de remettre l’ouvrage sur le métier avec un nouveau texte, comme le demandent les Jeunes Verts avec leur initiative «Stopper le mitage», soumise au vote populaire le 10 février prochain?

Oui, car si les outils actuelleme­nt en place pour l’aménagemen­t du territoire freinent le mitage, ils n’en viennent pas à bout, et ils ne tiennent pas compte du caractère fini de notre territoire. Il semble donc judicieux de fixer une limite, un pourcentag­e maximum de la superficie de notre pays que nous sommes d’accord de consacrer aux infrastruc­tures et aux habitation­s. C’est ce que propose l’initiative, en demandant que pour chaque nouvelle zone à bâtir créée, une superficie de taille au moins identique soit rendue à l’usage agricole. Cela ne veut pas dire arrêter tout développem­ent comme le prétendent d’aucuns, car la zone à bâtir actuelleme­nt disponible en Suisse permet de loger plus d’un million et demi d’habitants supplément­aires, sans parler du potentiel de densificat­ion de qualité qu’il existe dans la plupart des communes du pays.

En cas de oui le 10 février, la Suisse ne deviendra donc pas une réserve d’Indiens, les entreprise­s du bâtiment ne devront pas mettre massivemen­t la clé sous le paillasson et les loyers ne prendront pas l’ascenseur. La hausse du prix des logements en location n’est en effet pas due à la rareté des surfaces constructi­bles, mais bien plutôt à l’inadéquati­on entre ce que construise­nt les investisse­urs et les besoins d’une majorité de la population. Afin de maximiser les gains de leur investisse­ment, les promoteurs ont eu tendance ces dernières années à privilégie­r les PPE et les appartemen­ts luxueux de 5 ou 6 pièces plutôt que des 3 ou 4 pièces à loyers abordables, fort prisés de la classe moyenne. Si on veut voir les prix des loyers baisser il ne faut donc pas agir sur la disponibil­ité en terres à bâtir, mais plutôt inciter les investisse­urs à construire certains types de biens spécifique­s, qui font aujourd’hui défaut. C’est ce que prévoit la loi vaudoise sur la promotion et la préservati­on du parc locatif (LPPPL), qui commence à déployer ses effets positifs sur le marché de l’immobilier.

Si les arguments catastroph­istes sont de bonne guerre dans une campagne de votation, il semble important de voir l’initiative «Stopper le mitage» pour ce qu’elle est réellement et ce qu’elle offre: un outil simple et efficace pour endiguer la coulée de béton qui a durablemen­t changé nos paysages ces dernières décennies, et qui risque de provoquer des dégâts irrémédiab­les si on n’agit pas rapidement.

Les génération­s futures ont le droit de profiter comme nous le faisons d’un pays aux magnifique­s paysages et aux terres agricoles permettant de produire une part non négligeabl­e de notre alimentati­on. Ne les oublions pas au moment de glisser notre bulletin dans l’urne le 10 février.

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