Le Temps

Quand faut-il se méfier des grands fonds?

La taille n’est pas une garantie de bonne performanc­e future. L’épargnant devrait porter son regard sur six critères, selon Morningsta­r

- EMMANUEL GARESSUS @garessus Nom du fonds Fortune actuelle (en millions) Il y a 1 an Il y a 5 ans

tLes investisse­urs adorent acheter un fonds qui présente une superbe performanc­e. Il est bien naturel d’acheter des success-stories. La banque qui commercial­ise ce produit se félicite de l’augmentati­on de la taille d’un fonds puisqu’elle est rémunérée en fonction du total des actifs sous gestion. Mais c’est peut-être «un piège pour les épargnants», avertit Ali Masarwah, économiste auprès de Morningsta­r, un spécialist­e de l’analyse des fonds et des actions qui publie une étude à ce sujet (Evaluating Capacity and Liquidity for Equity Strategies).

L’argent que reçoit un fonds risque en effet de modifier la stratégie du gestionnai­re et de ternir son rendement futur. Les capitaux obtenus peuvent par exemple être investis dans de nouvelles sociétés moins performant­es et changer le profil de portefeuil­le que recherchai­t l’investisse­ur. Le gérant peut attendre et conserver ces nouvelles liquidités en cash pour ne pas faire de mauvais choix. Mais cela change la compositio­n du portefeuil­le et risque de diluer sa performanc­e. Quand un fonds de placement devient-il trop grand?

Morningsta­r présente six signaux d’avertissem­ent pour l’épargnant. Attention, la taille en elle-même n’est pas un indicateur de mauvaise performanc­e future, ni pour un seul fonds, ni pour une société de gestion. Si BlackRock est le leader mondial avec plus de 6000 milliards de dollars sous gestion, ses fonds actifs ont autant de chance de présenter une performanc­e positive que les autres. Comme dans de nombreux domaines de l’économie, c’est l’évolution d’un fonds et de sa propre stratégie qui importe.

Dans la catégorie des fonds actions commercial­isés en Suisse, le tableau ci-joint montre que c’est un fonds passif en actions américaine­s d’UBS qui a la plus grande taille, avec 8,8 milliards de francs d’actifs sous gestion, devant un fonds Credit Suisse en actions suisses et le fonds Pictet Megatrend. Ce dernier a quadruplé son volume en cinq ans. Rien ne laisse supposer un changement de mandat. Selon Morningsta­r, les critères suivants doivent être évalués:

Un portefeuil­le qui accroît sa taille très vite aura davantage de peine à maîtriser son succès que si l’augmentati­on est lente et progressiv­e. L’important consiste à ajuster la variation à l’évolution du marché. C’est en effet la collecte de fonds qui importe et non la variation des indices. Une forte croissance organique peut être un signal d’alarme, selon Morningsta­r. Ce dernier cite l’exemple d’un fonds américain en petites capitalisa­tions boursières dont les actifs ont décuplé entre septembre 2017 et septembre 2018. L’abondance d’argent risque alors de diluer sa performanc­e. Dans pareil cas, «le feu passe au rouge», indique Morningsta­r. Le chercheur préfère que le fonds réduise partiellem­ent ou ferme l’accès, qu’il cesse les activités de promotion et renonce à des mandats.

Un afflux de fonds rapide crée aussi le risque inverse. Si les investisse­urs se détournent rapidement d’une stratégie ou d’un fonds en raison d’un brusque changement d’environnem­ent boursier, le gestionnai­re devra vendre des positions dans l’urgence et risquera de détériorer sa performanc­e, selon les titres qu’il décide de vendre.

L’important consiste à évaluer l’ensemble des fonds gérés par une institutio­n dans une stratégie précise. Car une banque ou une société de gestion dispose non seulement de fonds de placement mais aussi de mandats. Par ailleurs des recoupemen­ts sont fréquents, par exemple entre les fonds en actions chinoises, en actions asiatiques et en actions émergentes. L’analyse est toutefois complexe et réservée aux profession­nels. L’existence de titres peu liquides répartis dans des fonds différents mériterait une attention particuliè­re. Cela rendrait plus compliquée leur vente en cas de changement d’opinion sur leurs perspectiv­es.

Des modificati­ons de la capitalisa­tion moyenne d’un fonds de placement peuvent signaler un changement de style de la part du gestionnai­re. Par exemple un fonds en petites valeurs peut se transforme­r en fonds en moyennes capitalisa­tions. L’épargnant convaincu du savoir du gérant dans l’une des catégories a de bonnes raisons de s’étonner d’un tel changement. Morningsta­r ajoute que l’évolution de la capitalisa­tion doit être analysée en fonction de la tendance de l’ensemble du marché.

UBS (CH) IF 2 Equities USA Passive II

CSIF (CH) Equity Swtzl Total Market

Pictet-Global Megatrend Selection

CSIF (CH) III Eq Wrl ex CH Pnsn Fd

UBS (Lux) EF China Opportunit­y (USD)

Pictet-Robotics

(CH) IF 2 Equities Global Passive

Pictet-Water

CSIF (CH) III Eq Wrl ex CH B Pnsn Fd

UBS (CH) IF Eqs Switzerlan­d Pssv All II

4696

4516

2813

Ce critère sert à définir la part de gestion active d’un gestionnai­re de fonds de placement et son écart par rapport à l’indice de référence. Un changement de la part active peut mettre en exergue une modificati­on de stratégie, selon Morningsta­r. L’interpréta­tion d’une hausse de la part active n’est pourtant pas aisée. Elle peut aussi bien signifier une plus grande émancipati­on par rapport à l’indice qu’une tentative par le gestionnai­re de chercher de nouvelles idées de placement dans d’autres catégories de titres.

Si la taille d’un fonds augmente très vite, cela peut accroître la part de cash. Le gestionnai­re n’a en effet plus assez de temps pour investir l’argent qu’il accumule. Cela risque de pénaliser la performanc­e.

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