Le Temps

Marcel Hirscher, roi de son monde à Adelboden

- LIONEL PITTET, ADELBODEN @lionel_pittet

L’Autrichien a remporté les deux épreuves disputées ce week-end dans l’Oberland bernois. A la rumeur qui, en début d’hiver, le disait lassé, il répond par les actes qu’il demeure plus que jamais sans rival

Le temps d'un week-end de Coupe du monde de ski alpin, Adelboden mute en un monde à part. Un monde festif où ceux qui terminent leur dernière bière de la nuit trinquent avec d'autres qui sirotent leur premier schnaps de la journée. Un monde étrange où, pour manifester leur soutien à leur favori, certains supporters s'agitent torse nu dans les immenses tribunes. Un monde sportif où les spécialist­es des discipline­s techniques volent la vedette aux héros de la vitesse. Et ce monde ne connaît qu'un roi, Marcel Hirscher, et ce roi ne connaît aucun rival.

L'Autrichien de 29 ans a signé un nouveau triomphe dans l'Oberland bernois. En géant puis en slalom, il s'est imposé en respectant le même plan d'action. Une première manche honnête, en embuscade à quelques dixièmes de la tête de la course, puis un second passage à attaquer sans ménagement pour faire la différence. «Quand tu es derrière, il n'y a pas de place pour les considérat­ions tactiques: il faut s'élancer en donnant le 100%, c'est simplement ce que j'ai essayé de faire.»

Et il y est parvenu avec un certain panache. A croire qu'il en garde un peu sous le pied volontaire­ment pour (s') offrir un poil de suspense, qu'il évacue ensuite avec une facilité désarmante. Samedi, il a gagné avec 71 centièmes d'avance sur le Norvégien Henrik Kristoffer­sen. Dimanche, il a laissé le petit prodige français Clément Noël (21 ans) à une demi-seconde.

Records bernois

Tout cela sur la piste du Chuenisbär­gli qui passe pour l'une des plus difficiles de la saison, qui pousse tous ses concurrent­s à jouer avec leurs limites sans péjorer son ski de métronome. En 2009, le Grison Marc Berthod devenait le premier homme à cumuler des victoires en géant et en slalom à Adelboden. Depuis, Marcel Hirscher est devenu le patron incontesté de la station bernoise. Il y a cumulé 16 podiums et neuf victoires, deux performanc­es qu'aucun autre skieur n'a réussies dans une autre station.

«Il y a actuelleme­nt en slalom une énorme densité de concurrenc­e, remarquait Clément Noël au moment de fêter le meilleur résultat de sa jeune carrière. Il y a 15 ou 20 mecs qui, dans un bon jour, peuvent prétendre à une place sur le podium.» Mais il n'y en a pas, à l'heure actuelle, pour contester la suprématie du leader du classement général. «C'est le meilleur skieur du monde, voilà tout, soufflait le Suisse Luca Aerni après son éliminatio­n en deuxième manche. Il est bon partout: physique, mental, matériel. Et il a tellement gagné que rien ne semble plus pouvoir l'atteindre…»

La rumeur le disait pourtant usé. Allait-il arrêter au terme de la saison dernière, au bout d'un cycle olympique, repu de succès, émoussé par les sacrifices à consentir pour demeurer au sommet? En début d'hiver, beaucoup d'observa teurs se posaient encore la question de sa motivation à repartir pour un tour sur la piste d'un Cirque blanc où il n'a plus rien à prouver. L'intéressé répond depuis le mois d'octobre par les actes. Il a remporté cinq des six géants et quatre des cinq slaloms disputés cet hiver. Avec 976 points au classement général, il a déjà relégué son dauphin Henrik Kristoffer­sen à plus de 400 unités. Autant dire qu'à moins d'une baisse de régime dont il n'est pas coutumier, ou d'une blessure, sa route vers un huitième grand globe de cristal s'annonce sans embûches. Désillusio­ns suisses

Depuis qu'Adelboden sourit à Marcel Hirscher, il nargue les skieurs suisses. Plus aucun n'est parvenu à monter sur le podium depuis le doublé de Marc Berthod et Daniel Albrecht en janvier 2009, malgré un public toujours aussi nombreux et passionné – 24000 spectateur­s en deux jours cette année, à peu près le même nombre de drapeaux rouges à croix blanche. Mais cet hiver, de nombreux technicien­s sont en forme et espéraient pouvoir mettre fin à cette disette à domicile. Ils n'y sont pas parvenus.

En géant, Gino Caviezel (neuvième) et Marco Odermatt (dixième) ont sauvé l'honneur. En slalom, ils étaient quatre parmi les dix premiers après la manche initiale, mais le meilleur dans la seconde, Ramon Zenhäusern, a dû se contenter d'un cinquième rang après avoir pourtant tout tenté. Daniel Yule a terminé huitième, tandis que Luca Aerni et Reto Schmidiger, impression­nants d'agressivit­é lors de leur premier passage, ont fini par partir à la faute.

Et il y a le Genevois Tanguy Nef, qui participai­t à sa première épreuve de Coupe du monde en Suisse. Qualifié pour la deuxième manche malgré un numéro de dossard élevé qui l'oblige à skier sur une piste bien marquée, il a souffert lors de son deuxième slalom mais, au prix de quelques efforts pour remonter prendre une porte qu'il avait manquée, il a réussi à terminer. Son 28e rang à plus de dix secondes du vainqueur? Anecdotiqu­e compte tenu de l'expérience vécue. «J'avoue que lorsque j'ai plongé dans le mur final, que j'ai vu la foule dans le stade et tous ces drapeaux, j'ai skié avec le sourire aux lèvres, souriait-il dans l'aire d'arrivée. Je me suis dit: ah ouais, d'accord. C'est ça, Adelboden.» Un monde à part.

«C’est le meilleur skieur du monde, voilà tout. Il est bon partout: physique, mental, matériel» LUCA AERNI, SKIEUR

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