Le pari risqué de Bombardier
Les spécialistes en sont convaincus: le nouveau train à deux étages construit par Bombardier finira bien par fonctionner correctement et les voyageurs devraient y trouver leur compte en termes de capacité, de luminosité et de confort. Mais on n’y est pas encore. En raison de plusieurs défauts techniques au niveau des portes, des logiciels et de la traction, la fiabilité n’est pas jugée suffisante par les CFF pour qu’il circule sur la principale ligne du Plateau. Ce retard de mise en service s’ajoute au décalage de quatre ans avec lequel les premières rames ont été livrées au transporteur national.
Cette situation a déjà fait l’objet de compensations. Après s’être mutuellement accusés d’être responsables des ajournements et s’être menacés de réclamer des indemnités de 300 à 400 millions de francs, le constructeur et le client ont signé un accord en 2014. Il a été convenu que Bombardier fournirait gratuitement trois rames de plus que les 59 commandées, ce qui équivaut à une pénalité d’environ 120 millions. Il était alors prévu que les 23 premières compositions soient livrées en 2017. Les CFF en ont aujourd’hui 12 à disposition. Leur mise en service se fait cependant de manière chaotique et il n’est pas exclu que l’ancienne régie réclame de nouveau des dédommagements au constructeur. De quelle ampleur? C’est difficile à dire.
Les CFF ont-ils fait le bon choix en 2010 en préférant Bombardier à ses concurrents Stadler et Siemens? Plusieurs observateurs, notamment romands, se posent ouvertement la question. Il faut leur rappeler que le constructeur canadien n’aurait pas été sélectionné sans l’intense lobbying exercé par le monde politique vaudois. Pour convaincre les CFF, et assurer ainsi un certain volume de travail aux ateliers que Bombardier possède à Villeneuve, les stratèges romands avaient mis en avant le fait que ce train à deux étages de nouvelle génération était le seul capable d’augmenter les capacités de transport sans rien sacrifier de la vitesse. Son mécanisme de compensation du roulis devait permettre de raccourcir les trajets entre Berne et Lausanne. Comme, de surcroît, les CFF cherchaient à éviter de dépendre d’un seul fournisseur, en l’occurrence Stadler, la manoeuvre avait bien fonctionné.
Neuf ans plus tard, les premiers trains sont là, mais en retard et suffisamment imparfaits pour que les CFF décident de reporter de plusieurs semaines leur mise en service entre Genève et Saint-Gall. C’est le prix à payer pour le pari technologique fait en 2010, le prix à payer pour un choix innovant qui comportait une part de risque sans doute plus importante qu’on ne l’avait imaginé naguère, le prix à payer pour le soutien du site de production de Villeneuve, qui appartient à un groupe industriel aux abois et qui, une fois la commande réalisée, se retrouvera dans une situation fragile.
C’est le prix à payer pour le soutien du site de production de Villeneuve