Un «shutdown» qui coûte cher
L’actuelle paralysie de l’administration fédérale américaine coûterait plus de 1 milliard de dollars par semaine. Les effets ricochets sont innombrables
Faute d’accord budgétaire et de solution à propos du «mur» que Donald Trump veut construire à la frontière avec le Mexique, l’administration fédérale reste partiellement paralysée. Selon Standard & Poor’s, cela coûte près de 1,2 milliard de dollars par semaine à l’économie. Au-delà du sort personnel des 800000 fonctionnaires touchés, l’impact économique se répercute, par effet domino, sur de nombreux secteurs cruciaux.
De la tequila, de la liqueur Galliano, du jus d'orange et beaucoup de glace. Voilà de quoi est composé le Border Wall Banger, un des cocktails spécial shutdown qu'un bar de Washington, le Capitol Lounge, propose pour 5 dollars aux employés fédéraux américains. Ces derniers peuvent aussi noyer leur chagrin dans un Mexico will pay for this, un Nothing really Mattis ou encore un Hot tub crime machine. Mais derrière ce clin d'oeil, c'est bien un drame qui se joue. Les EtatsUnis connaissent la plus grande paralysie partielle de l'administration fédérale de leur histoire. Ses coûts commencent à se faire ressentir.
Plus de 800000 fonctionnaires sont touchés par le shutdown, soit un quart de l'effectif total. Depuis le 22 décembre, environ 420000 fonctionnaires jugés «essentiels» travaillent sans être payés, alors que les autres sont au chômage technique. En cause: l'impasse, au Congrès, à propos du financement du «mur» entre les Etats-Unis et le Mexique. Donald Trump exige 5,7 milliards de dollars; les démocrates refusent de payer pour un «mur» jugé immoral et «inutile».
Banques et propriétaires plus indulgents?
Selon Beth Ann Bovino, économiste en chef chez Standard & Poor's Global Ratings citée par CNBC, la fermeture partielle de l'administration coûterait près de 1,2 milliard de dollars par semaine à l'économie. Des analystes de Wells Fargo parlent de 2 milliards de pertes hebdomadaires, et Bloomberg de 200 millions de dollars par jour. A ce rythme, le shutdown coûtera bientôt plus cher que l'enveloppe demandée par le président américain au Congrès pour construire son «mur».
Vacances annulées, risque d'expulsion en raison de loyers impayés, factures et dettes qui s'accumulent, nécessité de travailler dans l'urgence comme chauffeur pour Uber ou Lyft: les témoignages de fonctionnaires touchés se succèdent. Les Américains perçoivent en général leur salaire en deux tranches mensuelles; pour beaucoup, vendredi a été la première journée noire. La Réserve fédérale américaine est intervenue pour demander aux établissements financiers de rester cléments. Propriétaires et régies sont également priés de rester indulgents vis-à-vis des foyers à faible revenu qui dépendent d'une subvention fédérale.
Les effets du shutdown vont bien au-delà du sort personnel des employés concernés. Les fonctionnaires fédéraux seront d'ailleurs payés rétroactivement, ce qui ne sera pas forcément le cas de milliers de personnes qui travaillent comme sous-traitants. D'importants secteurs sont touchés. L'aéroport de Miami a par exemple fermé temporairement un terminal faute de présence suffisante d'agents de la sécurité.
Tourisme touché de plein fouet
Le tourisme reçoit une gifle en pleine face. Musées, zoos et autres attractions sont fermés. Certains parcs nationaux, comme ceux de Joshua Tree et Yosemite, victimes d'actes de vandalisme et de déprédations, doivent momentanément renoncer à leurs visiteurs. Lors du shutdown de 2013 qui avait duré seize jours, le Service des parcs nationaux avait accusé des pertes à hauteur de 7 millions de dollars. Selon des estimations de l'administration Obama, ce shutdown avait réduit le PIB de 0,4% au quatrième trimestre de 2013.
Inquiets, des agents du FBI ont de leur côté prévenu que leur capacité d'enquêter sur des crimes, affaires d'espionnage ou de terrorisme allait être sérieusement entravée. Des agriculteurs, déjà frappés par la guerre commerciale de Donald Trump, ne touchent plus l'aide promise. Autre exemple des effets domino d'une administration qui fonctionne au ralenti: les permis d'exploitation de pétrole et de gaz prennent du retard.
«Si le gouvernement cesse de fournir une aide alimentaire aux familles à faible revenu, si les agences ne peuvent plus traiter les subventions fédérales au logement, si les agents de sécurité non rémunérés des aéroports se font porter pâles et si le transport aérien est étranglé, cela pourrait constituer une perturbation économique majeure», résume le journaliste spécialisé Jim Tankersley dans le New York Times. «Un ralentissement de la croissance entraînerait une baisse des recettes fiscales, qui s'ajouterait au déficit budgétaire fédéral, qui devrait dépasser le milliard de dollars pour l'exercice financier en cours. Les remboursements de cette dette sont de plus en plus chers en raison des taux d'intérêt plus élevés. Lorsque le shutdown prendra fin, le législateur se retrouvera avec un budget encore plus déficitaire qu'il ne l'avait prévu», poursuit-il.
En attendant, près de 10000 contrôleurs aériens non payés doivent se rabattre sur une bien maigre consolation, alors qu'ils sont responsables de la sécurité de milliers de passagers: les pizzas que leurs collègues canadiens, pris de pitié, leur livrent.
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Les fonctionnaires fédéraux seront payés rétroactivement, ce qui ne sera pas forcément le cas des sous-traitants