Le Temps

Sans consensus, pas de démocratie directe

- t PHILIPPE NANTERMOD @nantermod

Passé la trêve des confiseurs, les «gilets jaunes» se sont remis en marche. Hétéroclit­e, le mouvement propose la confusion pour politique. Casser des vitrines et bouter le feu aux poubelles ne font pas encore un programme.

Comme plus petit dénominate­ur commun, ils ont choisi un bout du modèle suisse. C’est si rare qu’il faut le relever. Ils ont pris conscience que leur petit voisin avait pour une fois quelque chose d’intéressan­t à piquer, nos «amis français». De quoi leur retourner ces sempiterne­ls «amis suisses», qu’ils prononcent sur un ton un chouïa paternalis­te. Ça fait sourire.

Bref, ce sont nos droits populaires qui les intéressen­t. Incapables de convenir de revendicat­ions, ils réclament l’outil pour les réaliser.

Pour garantir le sérieux de la chose, il fallait évidemment un nom à rallonge. Un peu comme le «tri» des déchets est devenu le «tri sélectif». Allez savoir ce que le sélectif ajoute au recyclage. Dans la même veine, l’initiative s’y appelle le «référendum d’initiative citoyenne», le RIC. Un joyeux mélange de tous nos droits populaires.

L’inspiratio­n s’arrête malheureus­ement là. Quelqu’un doit leur envoyer le mode d’emploi. Dire à la majorité présidenti­elle opposée que nous ne votons pas que sur les minarets et les cornes des vaches. Que nos débats ne sont pas moins sérieux que les leurs.

Et contrairem­ent aux croyances des «gilets jaunes», les droits populaires ne conduisent pas non plus à la révolution permanente. C’est même plutôt l’inverse: le gouverneme­nt sort vainqueur de la quasi-totalité des scrutins populaires. Expliquer aussi que les initiative­s ne peuvent contredire les lois de la physique. Même à coups de référendum­s, on n’arrive pas à décupler les prestation­s sociales en réduisant les impôts. On ne parvient même pas à construire un pont sur la rade de Genève, c’est dire…

Notre fierté, notre cocorico, c’est que les droits populaires ne vont pas sans un petit sens civique. Avec beaucoup de pouvoir viennent de grandes responsabi­lités. Celles qui nous font refuser, en français de France, les RTT, le SMIC, la Sécu et les 35 heures. On l’appelle aussi l’esprit de consensus, probableme­nt encore peu intégré par ceux qui mettent la France à sac. Cela malgré la détresse compréhens­ible d’une partie de la population, victime du désastre des politiques publiques défaillant­es.

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