La réglementation pour les petites banques vire au casse-tête
Sur le papier, tout le monde en convient: une réglementation différenciée selon la taille des banques est une bonne idée. Lorsque Mark Branson a présenté son projet d'alléger certaines exigences pour les petits établissements, au cours d'un symposium organisé le 2 octobre 2017 à Berne, le directeur de la Finma avait comparé UBS (plus de 60000 employés) à Spar- und Leihkasse Leuk, plus petite banque du pays à l'époque (deux collaborateurs se partageant 0,9 poste équivalent plein-temps). Depuis, un projet pilote a été lancé l'été dernier et la dernière édition de ce symposium s'est tenue ce lundi. L'occasion d'évaluer la pertinence des allègements envisagés: le moins qu'on puisse dire c'est que les acteurs concernés ne sont pas exactement convaincus.
Diminuer le travail administratif et abaisser les coûts de la réglementation. C'est le double objectif de la réforme envisagée par l'Autorité de surveillance des marchés, qui s'ajouterait aux allègements existants déjà pour les petites banques. Environ 200 d'entre elles seraient concernées (celles dites de catégorie 4 et 5, dont la somme du bilan est inférieure à 1 milliard de francs), sur les 253 établissements du pays. Il faudrait aussi qu'elles soient très bien capitalisées et qu'elles n'aient pas eu de problèmes récemment. Près de 70 d'entre elles participent à un projet pilote depuis l'été dernier.
Bien tenté, mais c’est raté
Pour supprimer les obstacles et les frais «inutiles» (dixit la Finma), trois axes de réflexion sont développés: l'audit prudentiel pourrait avoir lieu tous les deux ou trois ans, et non plus chaque année, certains chiffres clés n'auraient plus à être publiés et leur calcul serait simplifié.
Qu'en disent les banquiers? Ils saluent le fait que la Finma s'intéresse enfin au coût de la réglementation, systématiquement décrit comme excessif, et sujet de lamentations depuis des années. Mais ils considèrent surtout que ces allègements n'apportent rien. Qu'ils ne diminuent ni les coûts de la réglementation, ni la charge de travail. Que l'espacement des audits ferait peser un poids supplémentaire sur les épaules des administrateurs. Certains critiquent une opération de communication de Mark Branson, personnalité plutôt impopulaire dans les milieux bancaires. Les réviseurs, qui engagent leur responsabilité en validant les comptes et la stratégie d'une banque, s'étonnent que le régulateur souhaite moins de contrôles. Peut-être aussi parce que la Finma viserait une baisse de 30% des frais d'audit, selon des rumeurs.
Quadrature du cercle
Pour obtenir un véritable allègement du poids de la réglementation, il faudrait s'attaquer aux domaines dans lesquels elle est la plus touffue. Le blanchiment d'argent en est un exemple: les règles suisses figurent parmi les plus contraignantes du monde, et se traduisent par un travail approfondi lors de l'ouverture de comptes, notamment. Avec la nécessité d'embaucher des équipes de spécialistes de la conformité, ce qui a un coût.
De nombreux intermédiaires financiers – les plus petits en particulier – se plaignent régulièrement de la difficulté croissante à attirer des clients en Suisse, à cause de l'ampleur des vérifications exigées. Mais d'un autre côté, les autorités suisses ont choisi de faire en sorte que les capitaux les plus opaques ne soient plus bienvenus ici. C'est peut-être une nécessité pour le maintien à long terme d'une place financière d'envergure et pour essayer d'en finir avec les scandales.
La problématique est identique dans l'autre grand domaine soumis à une réglementation particulièrement intense: les activités en contact avec le client. De nouvelles exigences ont été mises en place après la crise financière, notamment avec la directive MiFID II, sur les informations que doit recevoir le client ou l'adéquation entre les produits financiers qui lui sont proposés et son profil de risque. Un relâchement de ces règles, même limité à certains acteurs d'importance non systémique, reviendrait à redonner une liberté dont des banquiers ou gérants indépendants ont pu abuser dans le passé, créant des problèmes de réputation à la place suisse. Personne n'en voudrait en 2019. Le chantier des coûts de la réglementation se poursuit donc. Au moins, les travaux sont lancés.
Quant à la Spar- und Leihkasse Leuk, elle n'est plus la plus petite banque de Suisse. Elle a cessé ses activités, après avoir cédé sa clientèle à la Banque cantonale du Valais en avril dernier. Ses administrateurs ont estimé qu'il s'agissait de la meilleure solution, notamment à cause de «la complexité croissante de l'environnement réglementaire».