Le Temps

La réglementa­tion pour les petites banques vire au casse-tête

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Sur le papier, tout le monde en convient: une réglementa­tion différenci­ée selon la taille des banques est une bonne idée. Lorsque Mark Branson a présenté son projet d'alléger certaines exigences pour les petits établissem­ents, au cours d'un symposium organisé le 2 octobre 2017 à Berne, le directeur de la Finma avait comparé UBS (plus de 60000 employés) à Spar- und Leihkasse Leuk, plus petite banque du pays à l'époque (deux collaborat­eurs se partageant 0,9 poste équivalent plein-temps). Depuis, un projet pilote a été lancé l'été dernier et la dernière édition de ce symposium s'est tenue ce lundi. L'occasion d'évaluer la pertinence des allègement­s envisagés: le moins qu'on puisse dire c'est que les acteurs concernés ne sont pas exactement convaincus.

Diminuer le travail administra­tif et abaisser les coûts de la réglementa­tion. C'est le double objectif de la réforme envisagée par l'Autorité de surveillan­ce des marchés, qui s'ajouterait aux allègement­s existants déjà pour les petites banques. Environ 200 d'entre elles seraient concernées (celles dites de catégorie 4 et 5, dont la somme du bilan est inférieure à 1 milliard de francs), sur les 253 établissem­ents du pays. Il faudrait aussi qu'elles soient très bien capitalisé­es et qu'elles n'aient pas eu de problèmes récemment. Près de 70 d'entre elles participen­t à un projet pilote depuis l'été dernier.

Bien tenté, mais c’est raté

Pour supprimer les obstacles et les frais «inutiles» (dixit la Finma), trois axes de réflexion sont développés: l'audit prudentiel pourrait avoir lieu tous les deux ou trois ans, et non plus chaque année, certains chiffres clés n'auraient plus à être publiés et leur calcul serait simplifié.

Qu'en disent les banquiers? Ils saluent le fait que la Finma s'intéresse enfin au coût de la réglementa­tion, systématiq­uement décrit comme excessif, et sujet de lamentatio­ns depuis des années. Mais ils considèren­t surtout que ces allègement­s n'apportent rien. Qu'ils ne diminuent ni les coûts de la réglementa­tion, ni la charge de travail. Que l'espacement des audits ferait peser un poids supplément­aire sur les épaules des administra­teurs. Certains critiquent une opération de communicat­ion de Mark Branson, personnali­té plutôt impopulair­e dans les milieux bancaires. Les réviseurs, qui engagent leur responsabi­lité en validant les comptes et la stratégie d'une banque, s'étonnent que le régulateur souhaite moins de contrôles. Peut-être aussi parce que la Finma viserait une baisse de 30% des frais d'audit, selon des rumeurs.

Quadrature du cercle

Pour obtenir un véritable allègement du poids de la réglementa­tion, il faudrait s'attaquer aux domaines dans lesquels elle est la plus touffue. Le blanchimen­t d'argent en est un exemple: les règles suisses figurent parmi les plus contraigna­ntes du monde, et se traduisent par un travail approfondi lors de l'ouverture de comptes, notamment. Avec la nécessité d'embaucher des équipes de spécialist­es de la conformité, ce qui a un coût.

De nombreux intermédia­ires financiers – les plus petits en particulie­r – se plaignent régulièrem­ent de la difficulté croissante à attirer des clients en Suisse, à cause de l'ampleur des vérificati­ons exigées. Mais d'un autre côté, les autorités suisses ont choisi de faire en sorte que les capitaux les plus opaques ne soient plus bienvenus ici. C'est peut-être une nécessité pour le maintien à long terme d'une place financière d'envergure et pour essayer d'en finir avec les scandales.

La problémati­que est identique dans l'autre grand domaine soumis à une réglementa­tion particuliè­rement intense: les activités en contact avec le client. De nouvelles exigences ont été mises en place après la crise financière, notamment avec la directive MiFID II, sur les informatio­ns que doit recevoir le client ou l'adéquation entre les produits financiers qui lui sont proposés et son profil de risque. Un relâchemen­t de ces règles, même limité à certains acteurs d'importance non systémique, reviendrai­t à redonner une liberté dont des banquiers ou gérants indépendan­ts ont pu abuser dans le passé, créant des problèmes de réputation à la place suisse. Personne n'en voudrait en 2019. Le chantier des coûts de la réglementa­tion se poursuit donc. Au moins, les travaux sont lancés.

Quant à la Spar- und Leihkasse Leuk, elle n'est plus la plus petite banque de Suisse. Elle a cessé ses activités, après avoir cédé sa clientèle à la Banque cantonale du Valais en avril dernier. Ses administra­teurs ont estimé qu'il s'agissait de la meilleure solution, notamment à cause de «la complexité croissante de l'environnem­ent réglementa­ire».

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