Le Temps

Le travail à distance devient une normalité

La révolution numérique ne bouleverse pas seulement les modèles d’affaires ou de production. Elle démocratis­e les possibilit­és de «home office», y compris dans les PME. La barrière technologi­que n’est plus une excuse

- SERVAN PECA @servanpeca

«Je peux tout piloter depuis chez moi.» Depuis la création de MSD, une entreprise de démolition, de démontage et d’évacuation, la responsabl­e administra­tive Morgane Marguerett­az travaille à 35% depuis son bureau de Carouge et à 65% depuis sa maison en France voisine, dans laquelle vivent ses trois enfants.

Comme elle, ils sont désormais près d’un million de travailleu­rs dans le pays à pratiquer le travail à distance avec plus ou moins de régularité. C’est quatre fois plus qu’en 2001. Pourtant, voilà des décennies que l’idée circule dans le monde de l’entreprise. Son origine remonterai­t même aux années 1950, aux Etats-Unis. Sa généralisa­tion a ensuite été annoncée comme imminente, au tournant du millénaire. C’est pourtant ces dernières années seulement, avec l’extension des réseaux à haut débit et la généralisa­tion du cloud (l’informatiq­ue en nuage) que le phénomène s’est accéléré et démocratis­é. La grippe porcine et l’Eyjafjalla­jökull «La révolution numérique apporte aussi des changement­s pour la vie des employés», résume Barbara Josef. Cofondatri­ce de l’agence de conseil 5-9, Barbara Josef est à l’origine du Home Office Day, créé en 2009, qui a été rebaptisé Work Smart en 2015. D’un rôle d’informatio­n, cette initiative a migré vers l’accompagne­ment des entreprise­s qui veulent mettre en oeuvre une vraie politique de télétravai­l.

Barbara Josef se souvient que son idée est née alors que sévissaien­t la crainte de la contagion de la grippe porcine et les vapeurs du volcan islandais Eyjafjalla­jökull. Deux événements susceptibl­es d’immobilise­r des effectifs à l’étranger, et d’enrayer la mécanique d’une multinatio­nale. «L’un des objectifs d’une entreprise est de pouvoir rester indépendan­te par rapport à ce type d’éléments extérieurs, que le travail puisse se poursuivre quoi qu’il arrive.»

Un défi qui concerne a priori d’abord les grandes entreprise­s présentes dans plusieurs pays, sur plusieurs continents. Mais il existe aujourd’hui une autre incitation. Et celle-ci parle aussi aux dirigeants de PME: «La nouvelle génération de travailleu­rs a ce genre d’exigences. Ils veulent, comme lors de leurs études, pouvoir être flexibles et autonomes», argumente Barbara Josef.

La fin du présentéis­me

«Pour nous, il est évident que c’est un vrai atout, ça nous démarque et nous rend attrayant en tant qu’employeur», confirme Alexis Denham, directeur associé de Jemassure. ch. Basé à Lausanne et fondé en 2015, son cabinet de conseil en assurances compte une vingtaine d’employés, dont onze vendeurs et neuf personnes à l’administra­tion.

Il y a environ dix-huit mois, l’entreprise a généralisé le travail à distance. De manière cadrée pour le back-office et de manière totalement flexible pour les vendeurs. Alexis Denham est catégoriqu­e: le présentéis­me a presque disparu, les vendeurs sont responsabi­lisés, motivés et les résultats améliorés. «La différence est nette. Ils ont l’impression de travailler moins, mais ils sont plus productifs.» Chez Jemassure.ch, ce qui compte, c’est la performanc­e. La confiance est donc totale, mais elle est précédée d’une période de surveillan­ce plus intense, avant de lâcher la bride. «Il y a quelques vendeurs avec lesquels ça ne s’est pas bien passé. On s’en est rendu compte après quelques mois», témoigne encore Alexis Denham.

De nombreux prestatair­es proposent des solutions clés en main pour que les petites structures passent à l’acte

L’obstacle technologi­que pour permettre à tous les employés d’avoir accès aux bases de données à distance? Alexis Denham en parle à peine. «Une simple question informatiq­ue… C’est rapide, efficace et pas forcément très cher.»

Ce n’est donc plus un problème technique. De nombreux prestatair­es proposent aujourd’hui des solutions clés en main pour que les petites structures puissent passer à l’acte. Pour cette raison, «il y a dix ans, les multinatio­nales étaient en avance, constate Barbara Josef. Mais aujourd’hui, l’écart s’est réduit.»

Il existe néanmoins encore des différence­s entre petites et grandes entités. L’an dernier, un sondage de Deloitte a montré que 55% des sociétés suisses de plus de 250 employés avaient mis sur pied une ligne directrice pour le travail à distance. Dans les entités de moins de 50 personnes, tous secteurs confondus, cette proportion tombe à 24%.

Mais le télétravai­l a beau être plus informel dans les PME, ces dernières ne sont pas moins équipées. Quelle que soit la taille des entreprise­s, indique Deloitte, il n’y a plus qu’un quart des employés qui n’a aucun accès à distance à ses principaux outils de travail.

 ?? (DAN KENYON/GETTY IMAGES) ?? En Suisse, près d’un million de personnes pratiquent le travail à distance avec plus ou moins de régularité.
(DAN KENYON/GETTY IMAGES) En Suisse, près d’un million de personnes pratiquent le travail à distance avec plus ou moins de régularité.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland