Le Temps

Oui, l’habit fait le moine

-

Genève veut-elle d’une députée ou d’une conseillèr­e municipale voilée? Si le projet de loi soumis au vote dimanche est plus complexe que cela, c’est finalement à cette question que répondra le peuple. Tous les autres points de la recette laïque à la genevoise n’apparaisse­nt dans le débat que comme de négligeabl­es charpies de ce tissu controvers­é.

Pour les uns, l’interdire aux représenta­nts de l’Etat est une pierre ajoutée à l’intoléranc­e et à la discrimina­tion. C’est l’avis de l’écrasante majorité d’une gauche qui voit dans les musulmans s’affichant comme tels les nouveaux opprimés à défendre. Pour les autres, le tolérer est une façon d’accréditer le communauta­risme, en ce qu’il consacrera­it les particular­ismes au détriment de l’unité. A une époque où le fait religieux revient investir le terrain et nourrir les populismes, défendre le voile n’est sans doute pas la meilleure manière d’apaiser le débat. Ni de garantir la paix confession­nelle et la liberté de conscience que la Cité de Calvin s’emploie depuis un siècle à préserver.

La démocratie n’est pas fille des religions, les chrétiens le savent pour avoir longtemps subi le joug de la leur. En revanche, elle est fille de la liberté de penser. Afficher son identité religieuse comme un étendard ne peut se comprendre que d’une seule façon: celle-ci préside aux autres valeurs que l’on est censé porter. Si tel n’est pas le cas, alors il devrait être facile d’ôter son voile dans le cadre de sa fonction d’élue ou de son travail de fonctionna­ire, où la foi n’a rien à faire. Dans le cas contraire, c’est que le voile représente davantage que l’expression d’une culture ou le symbole d’une croyance. Il est alors aussi politique. Y répondre par la neutralité de l’Etat ne paraît pas déplacé.

Certes, le canton ne connaît qu’un seul cas problémati­que, à Meyrin. C’est anecdotiqu­e dans la pratique, mais essentiel sur le fond. Vu de Berne ou du Valais, le débat du bout du Lac sur la laïcité apparaît sans doute loufoque. Qu’ont besoin les Genevois de régir les rapports entre les communauté­s religieuse­s et l’Etat? Il s’avère qu’ils ont une histoire derrière eux, dont le dernier chapitre remonte à 1907, qui vit la séparation de l’Eglise et de l’Etat. En 2012, Genève s’est doté d’une nouvelle Constituti­on impliquant de préciser dans quel périmètre l’Etat entretient des relations avec les religions. Le parlement est arrivé à un compromis dont chacun conteste un point ou un autre. C’est peut-être aussi pour cela qu’il faut soutenir cette loi.

La démocratie n’est pas fille des religions mais de la liberté de penser

LAURE LUGON ZUGRAVU t @LaureLugon

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland