Donald Trump veut un «faucon» pour diriger la Banque mondiale
David Malpass, proche du président américain, a toutes les chances de succéder à Jim Yong Kim. L’économiste conservateur affiche régulièrement son scepticisme sur les thèmes de l’aide internationale, de la mondialisation et du multilatéralisme
David Malpass, nouveau président de la Banque mondiale? Le nom de ce haut fonctionnaire américain de 62 ans revient avec insistance pour remplacer son compatrioteJimYongKim,démissionnaire bien avant la fin de son deuxième mandat. La course sera officiellement ouverte jeudi et tous les candidats auront jusqu’au 12 mars pour entrer en lice. Mais pour la presse économique américaine et européenne, les dés sont jetés. Proche du président américain Donald Trump, David Malpass devrait l’emporter et diriger une organisation qui compte 189 Etats membres, 10000 collaborateurs et qui finance des projets de développement par le biais de prêts à faibles taux d’intérêt.
La Chine dans le viseur
Le candidat américain, ancien chef économiste de la feue banque d’affaires Bear Stearns, n’est pas un inconnu dans les milieux du développement. Chargé des affaires internationales au sein du Département du Trésor, il connaît la Banque mondiale comme d’autres institutions internationales dont il est très critique. En 2017, il avait, face à un comité du Congrès, affirmé que «la mondialisation et le multilatéralisme sont allés substantiellement trop loin. Les institutions internationales gaspillent trop d’argent. Elles ne sont pas efficaces et sont souvent corrompues dans leurs pratiques des prêts. En fin de compte, elles n’apportent pas de bénéfices aux populations qu’elles sont censées aider.»
«David Malpass est clairement l’un des faucons de l’administration Trump, commente Pierre Pénet, économiste et chercheur à l’Institut d’histoire économique Paul Bairoch de l’Université de Genève. Il ne fait même pas l’unanimité aux Etats-Unis à cause de ses idées conservatrices, notamment antichinoises.» Washington voudrait que la Banque mondiale cesse désormais de financer des projets en Chine.
Selon Pierre Pénet, les Etats européens qui, ensemble, forment le deuxième plus grand actionnaire de la Banque mondiale pourraient barrer la route au candidat américain. «Pour autant qu’ils prennent le risque de ne plus pouvoir placer un ressortissant européen à la tête du Fonds monétaire international (FMI)», avance-t-il. Depuis la création des institutions de Bretton Woods en 1944, c’est en effet toujours un Américain qui a dirigé la Banque mondiale et un Européen le FMI, selon un vieil arrangement tacite entre les deux grandes puissances transatlantiques.
Pierre Pénet n’exclut toutefois pas que les Européens rejettent le choix américain, ce qui obligerait Washington à trouver un candidat de compromis. «Un ressortissant d’un pays émergent ami des Etats-Unis, par exemple», spécule-t-il.
«Les jeux ne sont pas faits en faveur de David Malpass, tempère Gilles Carbonnier, professeur à l’Institut de hautes études internationales et du développement, à Genève. N’oublions pas qu’en 2014, le candidat américain Kim avait fait face à la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala qui, elle, était soutenue par les pays émergents.» Il rappelle que les Etats-Unis, malgré leur puissance économique, ne parviennent pas toujours à imposer leur volonté aux institutions internationales. L’an dernier, leur candidat à la direction de l’Organisation internationale des migrations (OIM), sise à Genève, avait été éliminé au premier tour par son concurrent portugais.
A Londres, Luiz Vieira, coordinateur du Bretton Woods Project, une sorte de chien de garde des activités du FMI et de la Banque mondiale, se veut réaliste. «Les Etats-Unis, qui sont actionnaires majoritaires de la Banque mondiale, imposeront leur candidat comme ils l’ont toujours fait depuis sa création, relève-t-il. D’autant plus qu’ils sont toujours soutenus par leurs alliés européens qui tiennent également à leur privilège de nommer un des leurs à la tête du FMI.»
«Pour notre part, nous continuerons à dénoncer la procédure illégitime de nominations qui exclut les pays émergents», poursuit Luiz Vieira. Selon lui, cette exclusion a conduit la Chine et ses partenaires à créer la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, ainsi que la Banque de développement de Chine comme une source de financement alternative à la Banque mondiale.
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«La mondialisation et le multilatéralisme sont allés substantiellement trop loin»
DAVID MALPASS