Voter sur un terrain adjacent à l’affaire Maudet
Ensemble à gauche et le MCG, en attendant les Verts, ont lancé un référendum contre le déclassement d’une zone agricole au Grand-Saconnex. La société Capvest est l’investisseur de cette opération. Son dirigeant est sous enquête pénale
«On ne peut pas parler de corruption. Mais ce partenariat public-privé nous semble douteux.» Alors qu’au Grand Conseil les groupes Ensemble à gauche et MCG ont vociféré leur quasi-certitude que le déclassement de 12 hectares en zone agricole soumis au vote cachait des faits de corruption, lors de la conférence de lancement du référendum sur cet objet, les élus, en l’occurrence Jean Burgermeister (Ensemble à gauche), ont observé une pudeur de demoiselle. «L’immunité parlementaire permet une certaine liberté de parole, reconnaît François Baertschi, député MCG. La justice enquête tout de même sur cette affaire. Cela nous semble léger de la part du parlement d’avoir voté sans en tenir compte.»
Implication du Servette FC
Le 24 janvier, le Grand Conseil avait avalisé le déclassement de cette parcelle située le long de la piste de l’aéroport. La construction de cinq terrains de football et de 90000 m2 de bureaux y est prévue. Le Servette Football Club pourra y installer son académie, obligé qu’il est de quitter Balexert où un cycle d’orientation doit être bâti. Dans la rocade, des logements sont prévus.
L’opération implique quatre partenaires: l’Etat de Genève, la commune du Grand-Saconnex, le Servette Football Club et l’hoirie Tissot, propriétaire de la terre agricole. La famille, à la suite d’une mise au concours, a choisi la société Capvest comme investisseur. Or son directeur est actuellement sous enquête pénale dans le cadre de l’affaire Maudet. Il est un des organisateurs du voyage controversé à Abu Dhabi. Pollution en 2030
Voilà pour les doutes des référendaires concernant la probité des acteurs de ce dossier. Ils ont d’autres arguments à faire valoir. Pierre Eckert, représentant les Verts du Grand-Saconnex (le parti cantonal doit décider lundi s’il se joint au mouvement), amène avec lui «dix ans d’opposition à ce projet». La terre agricole est actuellement exploitée par un paysan qui cultive du colza et du blé, dit le député pour qui ce déclassement va à l’encontre de ce que l’urgence climatique commande: développer une agriculture de proximité.
Une étude montre également, assure le député, que cette zone précise sera la plus polluée du canton en 2030, date à laquelle une troisième voie d’autoroute devrait avoir été ouverte. Pourquoi y faire courir des sportifs? «Pourquoi les autorités sanitaires et le médecin du Servette ne se sont-ils pas opposés à ce projet?» demande Jean Hertzschuch, de l’association Sauvegarde Genève. Les besoins du club pourraient par ailleurs être couverts en utilisant, durant la journée, les terrains de football existant dans le canton, assure Pierre Eckert.
«Dossier rempli d’aberrations»
«Ce dossier est rempli d’aberrations, tonne Jean Hertzschuch. Chaque mètre carré déclassé est irrémédiablement perdu. Pourquoi persévérer à construire des bureaux alors que beaucoup sont vides?» Selon l’Office cantonal de la statistique, 310000 m2 de surface d’activité étaient libres au 1er juin 2018, dont 73% de bureaux.
Le paquet proposé (déclassement contre école et logements) déplaît aux élus. «Nous faire croire qu’il y a besoin de bureaux pour construire un nouveau cycle d’orientation, c’est prendre les jeunes en otage», dit Jean Burgermeister. François Baertschi va plus loin: «Il est dangereux pour l’Etat d’être impliqué dans un projet que la puissance publique ne maîtrise pas.» L’outrance du 24 janvier est retombée. Elle reprendra lors de la récolte des 5200 signatures nécessaires dans un délai de quarante jours à partir du 1er février. En cas de succès, les Genevois pourraient voter dès le mois de novembre.
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