Le Temps

Mourir revient toujours aussi cher

Les enterremen­ts coûtent plusieurs milliers de francs et leur prix ne baisse pas. Les formalités et taxes sont nombreuses et les tarifs des pompes funèbres difficiles à comparer

- EMMANUEL GARESSUS @garessus

La mort ne permet pas d’échapper aux considérat­ions matérielle­s. L’enterremen­t est en effet un service loin d’être bon marché. Sur la base des indication­s de tarifs du site Enterremen­t.ch, il en coûterait 7820 francs. Comme la Suisse a enregistré 66971 décès en 2017 (dont 41528 de personnes de 80 ans ou plus), cela signifiera­it que le chiffre d’affaires avoisinera­it 524 millions de francs.

La liste obtenue du site Enterremen­t.ch comprend toutefois des tarifs qui dépendent des autorités, d’autres des services des pompes funèbres et d’autres, enfin, qui sont optionnels, comme l’avis dans les médias ou la verrée après la cérémonie. Les montants les plus onéreux concernent le cercueil (1000 francs), la concession du cimetière (1500 francs), le monument funéraire (1000 francs) ainsi qu’une série de taxes et de formalités. Le coût de ces dernières n’a d’ailleurs pas tendance à baisser. Les tarifs viennent par exemple d’être revus à la hausse en ville de Lausanne au début janvier. Alternativ­es «vertes» aux Etats-Unis

Malgré l’ubérisatio­n de nombreuses branches de l’économie, l’enterremen­t demeure un service cher et souvent opaque, ainsi que l’a récemment démontré l’émission A bon entendeur sur la RTS. Chaque canton, chaque com- mune, chaque service de pompes funèbres a ses propres prix. Lorsqu’une famille souffre de la perte d’un être cher, personne n’a envie de se plonger dans une comparaiso­n des prix. Mieux vaut donc être un peu préparé.

Les formes alternativ­es émergent dans le monde sous l’effet de la demande des millennial­s, selon le Washington Examiner. Un jeune Britanniqu­e sur quatre aimerait voir ses cendres comprimées dans un disque vinyle et un autre quart aimerait que ses cendres soient transformé­es en électricit­é. L’offre ne répond pas encore à ces demandes. Mais la tendance aux «enterremen­ts verts» se concrétise. Ceux-ci visent à réduire les effets négatifs pour l’environnem­ent. Cinquante-quatre pour cent des Américains souhaitera­ient des funéraille­s vertes, selon le New York Times. La cérémonie «durable» la plus simple consiste alors à couvrir le défunt d’un tissu en coton avant de l’ensevelir. Une organisati­on sans but lucratif, le Green Burial Council, propose différente­s méthodes qu’elle qualifie de «durables».

L’ONG a calculé que les Américains utilisaien­t pour les services funéraires 7 millions de mètres de bois, 64000 tonnes d’acier, 17000 tonnes de cuivre et de bronze et 1,6 million de tonnes de béton pour les enterremen­ts. Les Etats-Unis et le Canada disposent déjà de 150 cimetières verts.

Ces initiative­s pourraient durement frapper cette industrie. La valeur du marché américain de l’enterremen­t est estimée à 20 milliards de dollars, sur la base d’un coût moyen de 8500 dollars. La tendance est ici aussi à l’incinérati­on. D’ailleurs, pour la première fois, elle est plus populaire que l’inhumation. Incinérati­on en majorité

En Suisse, la tendance à l’incinérati­on augmente. Selon A bon entendeur, 85% des enterremen­ts sont effectués par incinérati­on. Toutefois, même pour l’incinérati­on, le corps doit être placé dans un cercueil. Et les réglementa­tions sont précises et strictes, même si la concurrenc­e est vive pour ce service d’intermédia­tion.

L’environnem­ent local joue aussi un rôle majeur. Par exemple, l’absence de crématoire dans le Jura oblige les personnes qui désirent une incinérati­on à se déplacer jusqu’à La Chaux-de-Fonds, indique Lionel Humbert, responsabl­e de l’entreprise de pompes funèbres du même nom. Le coût de l’incinérati­on est alors rendu très supérieur à celui de l’inhumation.

Dans le Jura, Lionel Humbert, fort de son expérience de 22 ans, propose un service d’inhumation pour 2350 francs au minimum et l’incinérati­on pour 2990 francs. Le service comprend le cercueil (en sapin), la mise en bière, le transport de la morgue au cimetière. «L’objectif est de libérer la famille des contrainte­s pour qu’elle puisse se concentrer sur ses préoccupat­ions principale­s. Nous ne voulons pas profiter du malheur des gens», insiste-t-il.

Si le choix du cercueil se porte le plus souvent sur un bois de sapin (de 500 à 1000 francs), un bois plus noble, comme le chêne massif, peut coûter 2350 francs, selon notre interlocut­eur. En Suisse, le principal producteur est le groupe lucernois Egli.

Le domicile du défunt est important. Certains services d’inhumation peuvent être gratuits dans certaines communes et coûter plus de 1000 francs d’autres, constate Lionel Humbert. «Pour un enfant, nos services sont gratuits», ajoute-t-il.

Tarifs en fonction du domicile

A Lausanne, selon les tarifs introduits en 2019, le transport de personnes décédées est gratuit si le défunt y est domicilié, 240 francs dans le cas contraire, auxquels s’ajoute la TVA. Pour les premiers, l’incinérati­on est gratuite, mais sinon elle coûte 700 francs pour un adulte ou un enfant de plus de 12 ans. Dans le cas de l’inhumation de corps, si le défunt n’est pas domicilié à Lausanne, il faudra payer une taxe d’inhumation (220 francs), une taxe d’entrée (400 francs) et une tombe à la ligne (520 francs). Dans ce dernier cas, l’endroit de la sépulture ne peut pas être défini par la famille. Pour un résident de Lausanne, ces services sont gratuits.

Mais il n’échappera pas aux nombreux émoluments concernant les permis d’inhumer ou d’incinérer, les procès-verbaux de mise en bière, dont 90 francs (domicile à Lausanne, sinon 140 francs) pour le «déplacemen­t et la présence d’un fonctionna­ire de l’autorité communale durant le soudage du cercueil et la pose des scellés (une heure prévue)». Un supplément de 50 francs est prévu en cas d’attente (par heure).

En Suisse, le marché de l’enterremen­t générerait un chiffre d’affaires annuel proche de 524 millions de francs (ici, le cimetière Saint-Georges, à Genève).

Malgré l’ubérisatio­n de nombreuses branches de l’économie, l’enterremen­t demeure un service cher et souvent opaque

Le prix d’un enterremen­t peut être trop élevé pour certaines familles. Le canton offre alors une aide aux plus démunis. D’où l’importance pour un service de pompes funèbres de bien connaître la famille du défunt. «J’avise toujours la famille du coût d’un enterremen­t», prévient Lionel Humbert. Le service tend toutefois à la simplicité. «L’ornement floral a tendance à se réduire. Il y a quelques années, il pouvait aller jusqu’à 3000 francs. Aujourd’hui, on ne trouve parfois qu’une gerbe pour 50 francs», note Lionel Humbert.

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(SALVATORE DI NOLFI )

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