Les récessions à venir devraient être moins sévères
La prochaine décennie verra probablement apparaître des récessions, mais elles seront moins fortes et suivies de reprises plus lentes, selon l’édition 2019 des prévisions à long terme de JPMorgan
Une récession est virtuellement inévitable au cours de la prochaine décennie, et elle risque d’arriver plus tôt que tard, préviennent les auteurs des traditionnelles prévisions de JPMorgan à un horizon de 10-15 ans. Les sources de déséquilibre ne manquent pas: la fin du cycle économique approche, le marché haussier sur l’indice S&P500 est le plus long de l’histoire, et les conditions politiques, démographiques et de marché sont pratiquement sans précédent dans l’histoire, relève cette 23e édition des Long-Term Capital Market Assumptions (LTCMA). Avec un fil conducteur: ces déséquilibres pourraient engendrer les prochaines évolutions structurelles de nos économies.
Cette année, JPMorgan a revu à la hausse sa prévision annuelle de performance que devrait atteindre un portefeuille équilibré à l’américaine (60% actions et 40% obligations) au cours des 10-15 ans, à 5,50% contre 5,25% précédemment, essentiellement grâce à une meilleure performance des obligations. Ce chiffre reste inférieur à la performance moyenne sur 25 ans, un peu inférieure à 8%. Ce portefeuille typique devrait ainsi faire un peu moins bien que les actions US et les obligations américaines à haut rendement (proches de 7%), et légèrement mieux que celles classées «investment grade», peut-on lire dans le rapport. Croissance mondiale prévue à 2,5%
C’est que l’économie mondiale est devenue plus stable, notamment sous l’effet d’une croissance globalement ralentie. A l’avenir, les cycles économiques seront moins marqués, plus longs et plus dépendants des politiques de stimulus prolongé, ce qui devrait contribuer à garder des taux d’intérêt bas. Autre conséquence de cette reconfiguration, les récessions risquent d’être moins sévères (et moins nombreuses), aux Etats-Unis et ailleurs. Revers de la médaille, les épisodes de reprise seront plus lents, tandis que les phases de marché resteraient aussi violentes que par le passé – particulièrement si la stabilité macro favorise le gonflement de bulles, poursuivent les rédacteurs.
Sur le plan macro, justement, ces LTCMA maintiennent une prévision de croissance mondiale à 2,5% et à 1,5% pour les pays développés, en termes réels. Celle des pays émergents est légèrement abaissée à 4,25%, contre 4,5% précédemment (même si les perspectives pour les principaux pays émergents sont stables).
Rôle croissant des actifs non cotés
Une tendance centrale identifiée dans le rapport concerne les actifs non cotés, qui constituent «une éclaircie» parmi les nuages qui s’accumulent. Immobilier, hedge fund, private equity sont devenus grand public, expliquent les auteurs de l’étude. Avec le déclin des taux d’intérêt, les marchés publics sont passés de lieux où des entreprises levaient du capital à des endroits utilisés pour leur distribution de cash. Dans le même temps, les fonds nécessaires au développement de toutes sortes d’entreprises (pas seulement les plus grandes) sont de plus en plus venus des marchés privés. Ces derniers offrent des performances potentiellement supérieures, mais aussi des contraintes plus fortes, en particulier le risque d’illiquidité.
Les investissements dans les infrastructures devraient bénéficier de l’impact des nouvelles technologies et de l’augmentation du nombre de projets dans des pays émergents comme l’Inde et la Chine.
A l’avenir, les cycles économiques seront moins marqués, plus longs et plus dépendants des politiques de stimulus prolongé, ce qui devrait contribuer à garder des taux d’intérêt bas
Pour le private equity, l’équipe de rédacteurs du rapport a relevé ses prévisions de performance en dollars, à 8,25%, contre 7,25% en 2018. L’environnement sera plus favorable pour les prises de participations privées, grâce à l’innovation technologique, à l’élargissement des opportunités sur le plan géographique («en particulier dans des marchés émergents clés comme l’Inde et la Chine») et à davantage d’opportunités de sortie.
La dette privée continuera à offrir une prime par rapport aux crédits des marchés cotés de qualité similaire, avec une performance attendue à 7,25% (nette de frais) par JPMorgan.
Infrastructures solides
Pour leur part, les perspectives de gains des hedge funds restent stables par rapport à 2018, entre 3,75% et 4,75% selon les stratégies. Sous l’effet de deux tendances opposées et qui s’annulent. Le secteur bénéficiera de la normalisation des taux d’intérêt, d’un retour aux fondamentaux (par opposition à la macro) et d’un recul des commissions. Mais ces dernières demeurent à un niveau élevé en valeur absolue, ce qui reste un frein pour les hedge funds, de même que la concurrence et la taille du secteur, après la fermeture de nombreux fonds ces dernières années. L’année 2018 a été l’une des plus difficiles pour ce type d’instruments, selon Hedge Fund Research, avec un déclin de 4,1%.
Concernant l’immobilier, les prévisions des Long-Term Capital Market Assumptions sont marginalement en hausse aux EtatsUnis, et en baisse en Europe continentale, en Grande-Bretagne et en Asie. Elles s’échelonnent entre 5,75% et 8%. Cette différence reflète essentiellement les différentes étapes du cycle dans lesquelles se trouvent ces régions.
Pour les infrastructures, les perspectives demeurent solides même si les attentes de performance pour la prise de participation en direct passent de 6,25% à 6%, annoncent les auteurs de l’étude, malgré une progression des valorisations l’an dernier. La dette liée à des projets d’infrastructure affiche des prévisions modérément supérieures (4,75% contre 4,25%), tandis que la qualité des émetteurs diminue, elle aussi de manière marginale. Enfin, les matières premières affichent des attentes de performance réduites suite à un marché de l’énergie qualifié d’«exubérant» en 2018, à 2,25%, mais à 2,5% pour l’or.
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