Comment Macron a fait exploser Wauquiez
Le président du parti Les Républicains a perdu son pari et son électorat, siphonné par la méthode Macron. Comme, avant lui, le Parti socialiste, qui attend également son sauveur
Et de deux! Après avoir relégué le Parti socialiste français en seconde division – comme l’ont prouvé les 6,2% obtenus par la liste de l’essayiste Raphaël Glucksmann aux européennes –, Emmanuel Macron a ajouté un nouveau trophée à son tableau de chasse: celui du parti Les Républicains. Laurent Wauquiez, son président contesté de 44 ans, a fini par démissionner en raison de l’échec de ses candidats le 26 mai dernier.
Un discours de droite dure
Conduite par un intellectuel trentenaire proche des catholiques traditionalistes, François-Xavier Bellamy, la liste de l’ancienne formation de Nicolas Sarkozy – qui avait débaptisé l’UMP en mai 2015 au profit des Républicains – n’a obtenu que 8,48%, de quoi envoyer huit eurodéputés à Strasbourg. Loin derrière les deux protagonistes du duel entre le Rassemblement national de Marine Le Pen (23,3% et 23 députés) et la liste Renaissance, pour laquelle le chef de l’Etat a mis tout son poids dans la balance (22,4% et le même nombre d’élus une fois que le Brexit aura eu lieu).
Le départ forcé de Laurent Wauquiez en dit long sur l’impasse dans laquelle se trouve la droite en France, après deux ans de quinquennat Macron. Président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, convaincu que l’électorat centriste est un mirage, l’ex-patron des Républicains avait été élu en novembre 2017 par 75% des adhérents. Il avait alors une seule consigne: faire oublier la désastreuse candidature à la présidentielle de l’ancien premier ministre François Fillon, éliminé au premier tour avec 20,01% des voix et empêtré dans des affaires politico-financières.
Confronté ensuite au départ d’une partie des cadres de son parti vers Emmanuel Macron, dans le sillage du premier ministre, Edouard Philippe (bras droit d’Alain Juppé), Laurent Wauquiez avait fait le pari que seul un discours de droite dure, identitaire, arc-bouté sur les valeurs, la sécurité et le refus de l’abandon de nouveaux pans de souveraineté nationale à Bruxelles permettrait de stopper l’hémorragie. Or ce calcul inspiré de la méthode suivie en 2007 puis en 2012 par Nicolas Sarkozy s’est avéré deux fois perdant. D’abord parce que les électeurs de droite modérée n’ont pas apprécié de voir leur parti flirter avec une idéologie proche de celle du Rassemblement national. Ensuite parce que l’électorat des classes moyennes commerçantes, agricoles et indépendantes ne s’est pas du tout senti représenté par des candidats urbains éloignés des terroirs (François Xavier Bellamy est de Versailles).
Politique de l’offre
Comme il l’avait fait pour la présidentielle face au PS, Emmanuel Macron a joué, lui, la politique de l’offre. Aux socialistes traumatisés par le quinquennat hésitant de François Hollande, le jeune chef de l’Etat avait promis en 2017 une «disruption sociale» axée sur l’égalité des chances, délaissée ensuite au profit de réformes économiques libérales qui ont largement provoqué la crise des «gilets jaunes». Pour séduire les conservateurs, Macron a misé sur son charisme, son discours pro-entreprise, pro-Europe, pro-économie numérique, et aussi sur l’autorité de l’Etat face aux protestataires qui le contestent dans la rue.
Bien joué: le fossé s’est creusé au sein des Républicains. Et Wauquiez est tombé dedans. Son parti doit maintenant se repositionner pour endiguer sa chute aux municipales de mars 2020. Autour, sans doute, du très pragmatique et très «France profonde» Gérard Larcher, le président du Sénat, qui réunit ses troupes ce mardi. Tandis que, de façon quasi symétrique, beaucoup de socialistes rêvent aujourd’hui de voir un de leurs caciques de province, l’ancien premier ministre Bernard Cazeneuve, empêcher que le duel Le Pen-Macron ne verrouille d’ici à 2022 la politique française.
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