Le Temps

La coalition d’Angela Merkel au bord de l’implosion

- NATHALIE VERSIEUX, BERLIN

Andrea Nahles a démissionn­é de ses fonctions de cheffe du Parti social-démocrate, cheffe du groupe parlementa­ire SPD au Bundestag et députée. Les conséquenc­es pourraient être massives pour la coalition d’Angela Merkel

La question est désormais ouvertemen­t posée: jusqu’à quand Angela Merkel parviendra-t-elle à conserver son poste? Encensée ce week-end à Harvard, où elle a reçu une standing ovation en plus d’un diplôme honorifiqu­e pour son action sur la scène internatio­nale, la chancelièr­e vient de perdre à Berlin un pilier indispensa­ble à sa coalition. Andrea Nahles, 48 ans, ministre du Travail de son précédent gouverneme­nt et à ce titre auteure de la loi instaurant le salaire minimum en Allemagne, vient de démissionn­er de ses fonctions de cheffe du Parti social-démocrate (SPD), de cheffe de son groupe parlementa­ire et même de son poste de députée au Bundestag.

Elle était l’un des rares soutiens à la GroKo au sein de son parti. La GroKo – l’alliance contre nature des chrétiens-démocrates (CDU) et du SPD –, plus impopulair­e que jamais, pourrait désormais s’effondrer comme un château de cartes. Andrea Nahles a jeté l’éponge par un communiqué dimanche, «faute de soutien nécessaire», à deux jours d’un vote interne sur son avenir. Elle endosse ainsi la responsabi­lité politique du désastre des élections européenne­s. Le SPD, devancé par les Verts (20,5%), n’avait reçu que 15,8% des suffrages, le pire résultat de son histoire. La base réclame une cure d’opposition pour inverser la tendance. L’amertume est tout aussi forte chez les sympathisa­nts de la CDU, même si le recul des conservate­urs est moins accentué. Au soir du 26 mai, les chrétiens-démocrates avaient perdu 6,4 points par rapport à 2014, à 28,9%, là aussi le pire résultat de leur histoire. Fait inhabituel pour Angela Merkel, qui distille habituelle­ment ses apparition­s médiatique­s avec parcimonie, la chancelièr­e a fait dimanche soir une courte allocution depuis le siège de son parti, appelant à la poursuite du travail gouverneme­ntal. Vers de nouvelles élections? L’heure est grave. Pour le SPD, tout d’abord, qui aura le plus grand mal à se trouver un nouveau président. Les candidats ne se bousculent pas pour ce poste ingrat. Le SPD a connu 13 chefs depuis la chute du Mur, et l’ère Nahles n’aura duré que 13 mois. La direction sera assurée à titre intérimair­e par une troïka composée des ministres-présidente­s du Mecklenbur­g et de Rhénanie-Palatinat, Manuela Schwesig et Malu Dreyer, et du chef du parti en Hesse, Thorsten Schäfer-Gümbel. Le parti n’échappera pas à une refonte en profondeur de ses structures et de son orientatio­n.

L’avenir de la coalition est aussi en jeu. En théorie, la CDU pourrait envisager une alliance avec les Verts et les libéraux si le SPD décidait de se retirer. Mais les Verts, en pleine ascension, pourraient monnayer cher une telle alliance et auraient plutôt intérêt à provoquer de nouvelles élections. Quant aux libéraux, s’ils n’excluent plus de participer à une telle coalition, dite «Jamaïque», ce ne serait en tout cas pas avec Angela Merkel au poste de chancelièr­e. L’heure de sa dauphine, Annegret Kramp-Karrenbaue­r, dite AKK, pourrait sonner plus tôt que prévu.

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